Quand un spécialiste du film de genre, nous refait un film de genre, nous avons un film de…genre ? Cette fois-ci, Jacques nous fait un western. De Bollywood, à Hollywood, il n’y avait qu’un virage à 180°. Sauf qu’on se dit qu’à force de faire des acrobaties comme ça, il va finir par se perdre dans son cinéma, et nous avec. Comment ça un western ? Il est devenu fou ? Le genre américain par excellence. Un genre aussi vieux qu’usagé. Sauf que…regardons mieux. Jacques a une idée derrière la tête. The Sister’s Brothers, (le titre lui-même est déjà une blague), je vois avant tout une fable mélancolique sur un âge d’or perdu à tout jamais, mais pas celui qu’on croit.


Deux frères que tout sépare sauf le lien sacré, celui du sang. Deux sales gosses qui me rappellent mes vieux potes d’enfance, Butch Cassidy et Sundance Kid. Eux-mêmes à l’époque étaient déjà rattrapés par le temps, et l’âge adulte. Un cerveau et un gros bras. Le binôme idéal. Qu’ils jouent au gendarmer et au voleur c’est normal. C’est des gosses. Alors pourquoi ce énième western ?


   Ce n’est pas un western, voilà le truc. Dans un « vraie » western, il y a une certaine idée de l’Amérique, qu’il n’y a pas ici. Il y a un espace à découvrir et conquérir, qu’il n’y a pas ici. Il y a un souffle, qu’il n’y a plus ici. Etc… Un western, ce n’est pas que des hommes à chevaux, des pétards, et quelques duels. Re-concentrons-nous sur quelque-chose de plus primordial. La famille. Les deux frangins se chamaillent (tout le temps), se battent parfois, mais ce qui les unis est beaucoup plus fort que ce qui les sépare. Les liens du sang. Et le fait que ça ressemble à un western… Beaucoup de choses ont la forme du western. La couleur du western, le goût du…on se comprend. C’est devenu depuis la fin de l’âge d’or un réservoir dans lequel tout le monde puise. C’est devenue un modèle. Pour voir revivre la meute, la bande de potes, les alliés de circonstances, les contrats à remplir, (tuer quelqu’un), les rencontres, la poursuite. La meute de laquelle émerge le couple de frangins que rien ne peut séparer. La famille. Et comme dans tout bon film de genre qui se respecte, le visuel est léché.


 C’est vernis à l’ancienne. Les plans sont souvent nocturnes, comme si on était dans un rêve. La nuit sans fin d’un rêve sans fin. Les images on dirait de vieilles photos rehaussées par la « froideur » du  numérique. Tout est faux, bien sûr. Jusqu’à cette histoire de mine d’or qui fait de l’œil à tout le monde. La classique histoire (prétexte), de la mine d’or qui les rendra riches. La Californie rêvé, un autre mythe mort de sa belle mort. Voilà une figure imposée difficile. Tout « western » actuel, est nécessairement hors contexte, guetté par le kitsch, et sans fond. Jacques nous fait une fable lyrique avec des têtes d’affiches aussi inattendues que dissemblables : O’Reilly, Gyllenhaal, Phoenix, et quelques autres. Ça tourne.


  Et on commence à sombrer dans l’ennui du déjà-vu, quand soudain, la magie s’invite dans le film, au sens propre, comme au figuré. Un des gars de la meute. L’intello, celui qui a les lunettes. Il a trouvé la formule chimique, (pour ne pas dire magique), qui multiplie les cailloux en OR. J’ai crût changer de film et passer à un film fantastique sans avoir été prévenu. Audiard spécialiste du film de genre, et des histoires tordues, nous fait un truc. Encore une fois. La fièvre de l’OR, qui fait des miracles. Les frères Sisters, tueurs. Les mercenaires à leur poursuite. La violence, de temps en temps, mais pas tant que ça. Le commanditaire a qui on doit de l’argent. Tous des salopards magnifiques. Le lyrisme d’Audiard remplit les trous, et fait le reste.


Tout s’écroule. Mais même en y laissant un membre, ses illusions, ses amis de circonstance, à la fin, même si on se bagarre, il ne reste que les liens tribaux. Le clan. La famille. Il suffit d’être deux. Comme les deux doigts de la main. Comme des frères et sœurs. Personne ne s’étonnera de voir les deux frères descendre toute une bande d’opposants alors qu’ils sont clairement en sous-nombre. 2. Ils ne sont que 2, mais avec un nom, et un visage. Les autres sont à plusieurs sans tête, sans but, sans rien. Pas mal du tout. The Sister’s Brothers. Mieux maîtrisé que Dheepan. Film sur l’enfance qui ne se termine jamais. Même le double-meurtre du père ne résout pas la fable. Comment passer à l’âge adulte ?


Et on croyait que c’était finit. Mais le final est encore plus beau. Le retour à la maison. Une fin toute en douceur. Et devinez qui nous attend à la maison ?

Angie_Eklespri
8
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le 7 juin 2019

Critique lue 172 fois

Angie_Eklespri

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