Ayant une propension notoire à l’autocongratulation, James Gunn nous avait annoncé sa petite révolution. En effet, trouvant les blockbusters semblables et monotones, il se proposait nonchalamment de réinventer le genre. La communication précédant la sortie du film poursuivait cet élan, en nous laissant croire à un Marvel sympathique et bariolé sachant faire preuve d’autodérision.

De l’autodérision, en trouve-t-on une fois dans la salle ? Que nenni, seulement une continuité de gags faciles exécutés par des personnages lisses. L’humour, qui devait être le point fort du film et sa façon de se démarquer avec le standard Marvel, devient à force de potache l’un de ses principaux défauts. Si les blagues pauvres semblent initialement innocentes, et peuvent même prêter à sourire, leur omniprésence sans amélioration devient bien vite étouffante, empêchant de s’investir dans l’univers comme dans l’histoire.

Pour pousser plus loin cet effet néfaste, l’équipe montre de moins en moins de discernement sur le choix du moment où placer leurs tentatives d’humour. De nombreux spectateurs ont dit apprécier l’impression de nonchalance que dégageait le film, obtenue en posant une plaisanterie à chaque moment important, ou presque. Personnellement, je ne vois pas trop l’intérêt de saper systématiquement la tension dramatique dès qu’elle commence à se construire. Un petit exemple peut-être ? Alors même que la confrontation finale se profile et que le film gagne enfin en intensité, la caméra s’arrête sur un arbre empalant quatre ou cinq gusses pour les fracasser à répétition sur des murs, sous les ricanements du public… A ce stade, j’attendais presque les rires enregistrés façon sitcom. De manière plus générale, si ignorer émotions et suspense pour atteindre une forte densité de gags est la nouvelle façon de faire de la SF, je dois juste être trop vieux.

Ces plaisanteries à répétition ont un autre inconvénient : elles soulignent lourdement la vacuité des personnages. Le profil de chacun d’entre eux se résume à sa propension à sortir telle ou telle réplique drôlesque ; mais ces répliques tombent souvent à l’eau justement parce qu’elles proviennent d’individus trop creux pour être crédibles. Voyez plutôt : Star-Lord ne prend rien au sérieux, sauf quand le scénario lui commande un discours de motivation, Drax est un bourrin inadapté en société, Gamora est une bourrine inadaptée en société, Groot est un bourrin végétal, et Rocket se donne avec lourdeur des airs de badass pour cacher sa petite taille. N’allez pas me dire que le comic n’offrait pas plus de possibilités.

Je ne tiens pas The Avengers pour une référence, mais Joss avait le mérite de rassembler une équipée probante en jouant de leurs différences de culture. Dans Guardians Of The Galaxy, on a juste affaire à une bande de cinq comic reliefs, concept relativement absurde en l’absence de personnages sérieux pour tenir la comparaison. Certes, on pourrait attribuer ce choix ainsi que la nette superficialité de l’histoire à la volonté de maintenir un ton résolument léger pendant le film (qui n’excuse en rien le manque de caractère de la réalisation). Mais dans ce cas, pourquoi ces élans tragiques si artificiels sur le passif des personnages ? L’introduction est symptomatique de ces problèmes : une mère qui agonise paisiblement et souffle en guise de derniers mots « écoute de la musique des seventies », un garçon éploré qui tombe à genoux dans l’herbe, avant d’être enlevé sans formalités ni mise en scène par un vaisseau extraterrestre. Des clichés que je ne pensais pas compatibles dans une même scène.

Guardians a quelques arguments pour sa défense. Les décors, d’après les brefs aperçus qu’on en a, sont beaux et travaillés. En se forçant à ignorer le design du vaisseau-mère antagoniste, on peut même apprécier la direction artistique dans son ensemble. Que dire de plus ? Oui, James Gunn a réussi à établir une certaine prise de distance qui n’existait pas dans les autres Marvel. Mais celle-ci, provoquée chez le spectateur par l’insistance des blagues faciles, par le vide des personnages et par les enjeux artificiels du scénario, dessert le film. Somme toute, il s’agit juste de se rendre compte, avant même la fin de la séance, que les films de super-héros se contentent parfois de faire appel à notre côté fanboy sans proposer de contenu derrière l’image.
Ivain_Emey_Jr
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le 14 nov. 2014

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Ivain M.

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