Il ne s’agirait surtout pas de déprécier l’amour aux forts accents d’enfance que vouent beaucoup aux Goonies, mais tout de même : à l’aune d’eighties riches en nostalgie, grands pourvoyeurs de hits de la pop-culture, le film de Richard Donner semble bénéficier d’un étrange passe-droit confortant sa notoriété.


Faisant fi de toute mauvaise foi, je doute même que celui-ci m’aurait favorablement marqué si je l’avais découvert avant mes dix printemps : aussi, au terme d’un visionnage sur le (très ou trop ?) tard, Les Goonies laisse coi, si ce n’est las. Il est en effet des plus exigeants que de supporter pendant près de deux heures les hurlements réguliers d’une bande de mômes délurés : voilà qui permet de relativiser les futurs éclats grinçants d’une Laura Palmer davantage légitime.


Toutefois, s’il serait tentant de s’épancher sur ce semblant de traumatisme criard, Les Goonies n’est pas seulement éreintant : il érige la confusion en maître-mot. Si d’ordinaire pléiade de longs-métrages font l’erreur de se vautrer dans une exposition surjouée, le contraire est ici roi : outre un palpitant aux abonnés absents, son contexte est en effet d’autant plus flou que ses gamins de protagonistes impriment un rythme infernal. Monté en épingle au gré de vilaines ficelles, l’exploration endiablée et commode du grenier en attestant, les tenants et aboutissants du récit forment ainsi un gloubi-boulga frisant l’indigeste : justifier l’aventure à venir n’aura pas été de tout repos.


Et tandis que nous ne saurions conseiller aux prochains spectateurs d’augmenter la luminosité de leur écran, au risque de ne rien y voir dans sa pénombre prédominante, Les Goonies va compiler les écueils de tous poils : cris en pagaille (donc), antagonistes inoffensifs, chasse au trésor archétypale, personnages secondaires ajoutant à la cacophonie ambiante, prévisibilité chronique… tout y passe ! Le plus désagréable demeurant, à la réflexion, cette propension qu’a le film à s’inscrire, sans aucune élégance, dans un giron hautement référentiel : Indiana Jones, Inspecteur Gadget, Superman… forcément, avec le trio Donner/Colombus/Spielberg à la barre, le procédé n’est pas surprenant mais que c’est anti-productif à la longue.


N’ayons alors pas peur des mots, Les Goonies ayant tout de l’œuvre nombriliste, vouée à se référer et, fatalement, faire l’objet de clins d’œil ultérieurs, alimentant par voie de fait sa réputation de madeleine de Proust en puissance. Il est d’autant plus difficile d’y voir une entité sincère, ses nombreux placements de produits faisant un drôle d’écho à la maturité (sur courant alternatif) de ses marmots « héroïques », comme si le long-métrage cachait sous son apparente simplicité, et innocence, des desseins pas très jojo. Un soupçon de paradoxe au final, cette même ambiguïté étant pourtant l’une des rares « éclaircie » figurant au tableau : la verve et le bagou de Mouth (fort justement renommé Bagou en VF), la mythomanie pathétique (mais comique) de Chunk/Choco ou encore, eh oui, l’excentricité improbable des Fratelli (leur introduction est savoureuse).


Reste une relation fraternelle aussi inattendue que juste entre Mikey et Brand, ou encore ce baiser à l’aveuglette ayant tout du fantasme enfantin sans vice, mais convenons que c’est bien peu : la quête du trésor de Willy le Borgne, le destin du quartier des Goonies et l’émancipation de Sloth/Cinoque confinent tous à une grimace saupoudrée de désarroi, déception et… indifférence. Une expérience mémorable à sa manière, pas assurément pas dans le bon sens du terme.

NiERONiMO
5
Écrit par

Créée

le 13 juin 2020

Critique lue 227 fois

2 j'aime

NiERONiMO

Écrit par

Critique lue 227 fois

2

D'autres avis sur Les Goonies

Les Goonies
YellowStone
9

Oldies but Goonies

J'ai 26 ans et je viens de découvrir ce film, et pourtant, pendant deux heures très agréables, j'ai eu de nouveau 10 ans. Ce film est un formidable hommage à la curiosité, l'imagination, l'esprit...

le 21 mai 2013

58 j'aime

20

Les Goonies
Sergent_Pepper
4

Les morveux et le trésor de Tout en Carton

Revoir les hits de sa jeunesse et les transmettre à la nouvelle génération avait jusqu’alors quelque chose d’émouvant. On retrouve son passé, et l’on se rend compte qu’il a quelque chose d’atemporel...

le 30 déc. 2014

55 j'aime

22

Les Goonies
Fosca
8

The Choco's Goolies

Hier encore je n'avais jamais vu les Goonies... Voilà, je vais vous laisser dix secondes pour télépathiquement me lyncher et ensuite on pourra reprendre...

le 19 janv. 2016

37 j'aime

8

Du même critique

The Big Lebowski
NiERONiMO
5

Ce n'est clairement pas le chef d'oeuvre annoncé...

Voilà un film qui m’aura longuement tenté, pour finalement me laisser perplexe au possible ; beaucoup le décrivent comme cultissime, et je pense que l’on peut leur donner raison. Reste que je ne...

le 16 déc. 2014

33 j'aime

Le Visiteur du futur
NiERONiMO
7

Passé et futur toujours en lice

Un peu comme Kaamelott avant lui, le portage du Visiteur du futur sur grand écran se frottait à l’éternel challenge des aficionados pleins d’attente : et, de l’autre côté de l’échiquier, les...

le 22 août 2022

29 j'aime

Snatch - Tu braques ou tu raques
NiERONiMO
9

Jubilatoire...

Titre référence de Guy Ritchie, qui signa là un film culte, Snatch est un thriller au ton profondément humoristique ; le mélange d’humour noir à un scénario malin et bien mené convainc grandement,...

le 15 déc. 2014

18 j'aime

3