Et si la légalité représentait un danger ? Et si le pire des criminels pouvait se réfugier derrière ces lois ? Et si le pire des criminels pouvait retourner ces mêmes lois contre sa propre victime ? C'est sur ces thèmes aussi glaçants que réalistes que se base Les Nerfs à vif, thriller hitchcockien nerveux et terrifiant où un ex-détenu inculpé pour viol se retrouve libéré huit ans plus tard, bien décidé à rendre à son persécuteur de l'époque la monnaie de sa pièce.
Pour se faire, pas besoin d'être violent ni de tomber dans la facilité : notre animal va jouer sur les nerfs de sa prochaine victime, le poussant à bout, instaurant auprès d'elle une paranoïa constante à force d'apparitions surprises et de menaces nuancées tout en restant à chaque fois dans la légalité. Notre bad guy, qui a eu le temps d'étudier le droit en prison, va même jusqu'à porter à de nombreuses reprises plainte, se cachant derrière la dure loi américaine, esquivant à chaque fois les pièges tendus par sa proie.
Cet interminable jeu du chat et de la souris est ici brillamment mis en scène avec un suspense insoutenable, jouant donc autant avec les nerfs du héros (campé par un Gregory Peck hélas trop monolithique) qu'avec ceux du spectateur, terrifié quant à l'attitude sans cesse joviale voire amicale de cette bête humaine interprétée par le gigantesque Robert Mitchum, chapeau blanc sur la coiffe et cigare au bec, montagne de muscles à la fois aimable et menaçant.
Un Némésis à visage d'homme dont l'intelligence n'a d'égal que sa fourberie. J. Lee Thompson réussit à nous immerger dans ce face à face psychologique poignant du début à la fin, fin qui se termine sur l'un des plus impressionnants duels mano a mano où les deux hommes se laissent aller à leurs plus bas instincts. Une mise en scène sobre, des séquences inoubliables (on se délecte autant des échanges verbaux paradoxaux que de scènes plus musclées) et une musique à vous donner la chair de poule signée Bernard Herrmann font donc des Nerfs à vif un puissant thriller qui n'a pas pris une ride.