Les Poings contre les murs n’est pas plus creux ou superficiel que Coldwater, autre film sur l’univers carcéral sorti au même moment (mi-2014). Il est peut-être plus ambitieux, mais a une fâcheuse tendance à ne pas trouver l’équilibre et tourner en rond au lieu de décoller. Le film de Mc Kenzie exprime une vision claire, assez forte, sans prise de risque particulière, sur la situation d’un jeune homme dont le destin social est lié à la prison et qui y échoue donc comme on rejoindrait son foyer.

Il y retrouve d’ailleurs son père. Ce dernier est pris entre des sentiments contradictoires : faire la leçon à son fils en projetant sur lui toutes ses faiblesses et ses vices, faire pression sur lui pour qu’il "s’en sorte", mais aussi le laisser discrètement couler. Car si Eric sort de l’enfer où vit papa, celui-ci sera seul face à lui-même et ses exactions, seul dans la spirale. Il a de ses chances car, plongé dans ce monde-jungle, Eric envenime tout.

Il pourrait se contenter de purger sa peine puis repartir, or il saccage les bonnes options. Deuxième approche intéressante du film, après l’hérédité malsaine : la résignation en trompe-l’oeil pour garder le contrôle et la puissance. Eric accepte sa place dans ce monde, mais pas de jouer le jeu. Il ne sera pas un bon prisonnier. Le contexte peut s’adoucir en apparence, c’est trop tard, il a enregistré que pour survivre, ici et ailleurs, il ne peut qu’être le diable.

Il a compris aussi que c’est en mettant le couteau sous la gorge de ses gardiens qu’il pourra faire entendre sa voix. Le scénario de Jonathan Asser est remarquable, même si tout se dégonfle au fur et à mesure. De ces riches pistes, McKenzie n’a pas grand chose à faire et le principal mérite concernant la mise en scène revient plutôt à son directeur photo. Il y a un sentiment de gâchis insidieux dans ces Poings contre les murs, rempli de balises envoyant des signaux très favorables, mais manquant de soutien dans l’exécution.

Déjà deux ans plus tôt dans Perfect Sense, McKenzie faisait d’une apocalypse morale à l’échelle mondiale un roman-photo fleur bleu. Starred Up reste animé par ses riches intentions, la réflexion de son scénariste et ses acteurs très charismatiques, surtout l’interprète d’Eric, Jack O’Connell (Skins, Eden Lake).


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Zogarok

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