Le véritable courage consiste à être courageux précisément quand on ne l'est pas



  • Pourquoi ne pas engager des hommes ?

  • Des hommes ?

  • Des tireurs ! De nos jours les hommes sont moins chers que les armes.

  • Le ferez-vous ? Votre aide serait une bénédiction.

  • Je ne fais pas dans la bénédiction.

  • Non. On vous offre plus que ça. On pourrait vous nourrir. Et on a ça.

  • Qu'est-ce que c'est ?

  • On peut le vendre pour de l'or. Tout ce qu'on possède. Tout ce qui a de la valeur dans le village.

  • On m'a déjà offert beaucoup pour mes services, mais jamais tout.



Les 7 mercenaires réalisé par John Sturges brille d'un éclat particulier en étant l'adaptation américaine d'un grand classique japonais réalisé par Akira Kurosawa avec "Les 7 samouraïs". Il est épatant et édifiant de voir le cinéaste abandonner le katana pour le revolver en déportant ce fameux récit dans un cadre westernien. En faisant une telle approche John Sturges fabrique un pont entre deux civilisations autour d'une même histoire dans laquelle on découvre la culture de l'honneur, du sacrifice et de la mort par le biais de 7 hommes qui ici ne sont autres que des mercenaires. Une mise en abîme supplémentaire autour d'une histoire qui n'a pas fini de nous surprendre avec son contraste fascinant qui se distingue au sein du western classique avec des chasseurs de primes héroïques malgré eux, confrontés à une cause faite de désillusion, de résignation et de sacrifice.


Les 7 mercenaires est un film très excitant qui tient le spectateur en haleine jusqu'au bout en présentant des thèmes pertinents comme '' le racisme '' : présent dès l'excellente scène d'ouverture avec le cadavre d'un Peau-Rouge auquel on refuse un enterrement digne car on ne veut pas de lui dans un cimetière de Blanc ; ou encore '' la disparition du Far West '' : avec une déconstruction de la figure mythique du cowboy et plus précisément du chasseur de primes qu'on présente sous un aspect moins glorieux et plus traumatique. Une figure mythique idéalisée et glorifiée pour son symbole de liberté et de puissance qui pourtant s'apparente à une vie d'errance solitaire, sans attache, sans famille, le tout pour une poignée de dollars faciles. L'agriculteur est mis à l'honneur, représenté comme le véritable symbole d'un courage plus réel en tant que travailleur de la terre pauvre qui laboure les champs à la force des bras et de la sueur sans garantie de réel succès pour nourrir toute une famille dont il est en charge. Une vie de dur labeur qu'ils doivent défendre dans un acte de bravoure ultime. Une revalorisation de l'héroïsme faite à travers une écriture pleine d'esprit à laquelle s'ajoute des dialogues de circonstance aussi profonds qu'amusants.


L'action est gérée intelligemment avec des fusillades excitantes laissant place à des séquences formidables au cours d'une confrontation de taille dont je regrette seulement sa courte durée. Sur ce point-là, j'aurais préféré que John Sturges s'imprègne d'avantage d'Akira Kurosawa en faisant une longue et éprouvante confrontation dans laquelle on aurait pu voir tous les stratagèmes et autres pièges mis en place, qui sont ici malheureusement assez vite expédiés. Les quelques touches comiques sont efficaces et ne viennent jamais nuire au contraste dramatique. Tout est parfaitement dosé. Visuellement c'est du bon boulot avec une mise en scène efficace qui sublime son décor mexicain aride avec une cinématographie exceptionnelle. Bien que le doublage français soit de qualité, le film est absolument à voir en version originale pour certaines voix extraordinaires dont celle du comédien James Coburn qui est intimidante. Le thème musical principal d'Elmer Bernstein est mémorable. Une composition magistrale qui donne le rythme à travers un thème qui marque l'esprit. Un titre d'ampleur accompagné par des thèmes secondaires tout aussi illustres. Des titres triomphants qui viennent sublimer les différentes séquences. 




  • Il a dit que vous aviez réglé l'affaire de Salinas.

  • Ils m'ont payé 800 dollars pour ça.

  • Vous êtes cher.

  • Oui... C'est vrai, je suis cher.

  • L'offre est de 20 dollars.

  • 20 dollars ? En ce moment, c'est beaucoup.



Le casting est sensationnel, on se délecte de chaque comédien qui sont parfaitement sélectionnés. Côte à côte, les acteurs brillent de mille feux via une alchimie qui fonctionne admirablement bien et qui tire chacun d'eux vers le haut. Tous les comédiens sont remarquables. Un véritable sans fautes caractérisée par des protagonistes qui s'apparentent à des fantômes. La véritable richesse des 7 mercenaires vient des personnages qui apportent chacun une profondeur supplémentaire au récit à travers un développement propre dans lequel on explore de nombreux thèmes. Une inclusion à la hauteur du casting essentiellement composé de Yul Brynner, Steve McQueen, Charles Bronson, James Coburn, Robert Vaughn, Brad Dexter, Horst Bucholtz, sans oublier Eli Wallach.



Chris Adams / Yul Brynner




Le vieux a raison : les paysans ont gagné. Nous, on perd toujours.



Chris c'est le chasseur de prime nuancé, doté d'une morale qui s'additionne difficilement avec sa profession. C'est un homme qui parle peu et qui par un simple regard qui en dit long laisse apparaître tout son charisme et son humanisme. Il ne se fait aucune désillusion sur le sort qui l'attend en suivant cette voie solitaire jonchée de violences. Le meneur de troupes par excellence qui sera à l'origine de la création de cette unité de mercenaires en acceptant de défendre un groupe de paysans sans défense pour la somme royale de 20 dollars. Il le sait malgré ses nobles intentions il sera tout le temps le perdant de l'histoire.



Vin / Steve McQueen




Le premier jour où on était ici, j'ai commencé à réfléchir, je pourrais peut-être ranger mon arme, m'installer sur un petit terrain, et élever du bétail...Je ne voulais pas que tu penses être le seul idiot dans le coin.



Vin se présente comme le second de Chris et certainement celui qui manipule le Colt avec le plus d'élégance. Un mercenaire détaché armé d'un petit sourire en coin qui semble notifier son attitude nonchalante. Un mercenaire prometteur ayant raté sa vie, condamné à survivre avec des petits boulots qui le renvoie vers un destin minable certainement dû à son addiction au jeu. Il étonnant qu'un tel personnage accepte une telle mission, ce qui laisse transparaître un comportement suicidaire où celui-ci cherche à enflammer sa vie une ultime fois histoire de partir avec les honneurs pour mieux échapper à ses vices.



Bernardo O'Reilly / Charles Bronson




Vous me croyez brave parce que je porte une arme. Vos pères sont plus courageux car ils portent des responsabilités... Je n'ai jamais eu ce genre de courage.



Bernardo est la représentativité du mercenaire professionnel. Certainement le meilleur dans sa profession ce qui fait qu'il coûte cher, très cher. En tant que tel il assume son job de tueur avec abnégation. Jamais un mot de trop, au même titre que ses sentiments, il sait ce qu'il a à faire et il le fait. Un personnage charismatique à l'aspect solide qui ne se considère nullement comme un héros, laissant ce titre aux paysans qu'il considère avec importance. Avec son attitude affective auprès des enfants envers qui il va nouer de nobles et beaux sentiments, Bernardo offre de nombreuses belles séquences, notamment celle où il sculpte un sifflet dans du bois de roseau pour l'offrir à une petite fille.
Bernardo est mon personnage préféré de la bande.



Lee / Robert Vaughn




L'imbécillité finale, suprême : venir me cacher ici. Le déserteur qui se cache au milieu du champ de bataille.



Lee est le personnage qui parle le moins et pourtant il est certainement celui qui est dramatiquement le plus épais. J'adore ce personnage qui serait certainement mon préféré de la bande sans Bernardo. Avec son look tiré à quatre épingles, ce personnage offre un contraste angoissant car profondément traumatisé par la mort qu'il sait inéluctable. Car malgré son talent de tireur hors pair, il sait qu'on finit forcément un jour ou l'autre par tomber sur plus fort que soi. La faucheuse ne cesse de se moquer de lui au point de lui faire vivre des instants de folie le poussant à la fuite. Malgré cela, Lee est sans doute le plus courageux de la bande, faisant directement face à sa peur viscérale, prenant le taureau par les cornes et regardant la mort droit dans les yeux alors qu'il se sait condamné.



Chico / Horst Bucholtz




Merci mes amis d’être sortis pour nous accueillir. Merci de nous laisser voir vos superbes visages. Merci, tas de poulets ! À vous voir courir, on dirait des poulets !



Chico est certainement le personnage auquel on s'identifie le mieux car étant initialement un paysan qui pour l'occasion revêt la tenue de mercenaire. Impétueux, courageux, inconscient et instable, il voue un véritable culte à ses camarades mercenaires et ne supporte pas son appartenance paysanne. C'est un personnage très intéressant à suivre car il ne cesse d'évoluer tout du long, ses camarades vont le faire progresser mais aussi l'ouvrir sur le véritable monde qui l'attend en suivant cette voie sans issue. La petite relation amoureuse dont il est à l'origine apporte un peu de sensibilité à ce décor rustre et testostéroné. C'est un personnage séduisant qui offre les scènes les plus impétueuses notamment celle avec le taureau, ou encore lors de son infiltration auprès de Calvera.



Harry Luck / Brad Dexter





  • On m'a dit que tu avais un contrat.

  • Pas pour un talent comme toi.

  • Un dollar me semble toujours aussi grand qu'un couvre-lit.



Harry c'est un peu l'oublier de la bande par le public et les critiques, chose que je trouve totalement injuste car c'est un personnage au contraire très intéressant car certainement celui qui doit le plus se rapprocher de par son attitude d'un véritable mercenaire. C'est un opportuniste, charmeur, bon vivant, et souriant, uniquement attiré par l'appât du gain et qui n'a aucun problème à suivre cette vie. Il accepte le contrat car étant persuadé que derrière tout ça se cache un véritable trésor. Pour autant, Harry est un véritable frère d'armes qui malgré ses convictions peu nobles se refuse finalement à abandonner ses camarades. Harry est le premier à rejoindre le groupe.



Britt / James Coburn





  • C’est le plus beau coup de revolver que j’ai jamais vu !
    - Le plus mauvais. Je visais le cheval.



Bright est un mercenaire à part, il s'apparente à un véritable samouraï qui ne cesse d'affûter sa lame pour atteindre l'excellence de son art. Il est le meilleur tireur de la bande. Sa quête individualiste le pousse à suivre le groupe car il sait que cela va le conduire à se confronter à des péripéties d'importances dans laquelle il devra se mettre rudement à l'épreuve. On ne sait pas finalement si comme ses camarades, il s'attache aux paysans ni même s'il est attaché à ce groupe de mercenaires, et j'apprécie le fait que le récit reste brumeux avec cela. La chose que recherche Britt dépasse l'argent, la loyauté, ou l'amitié, il cherche la quête ultime qui fera de lui la lame ultime.



Calvera / Eli Wallach




Vous êtes revenu ? Un homme comme vous ! Pour ces gens-là... Pourquoi ?



Impossible de ne pas parler de Calvera l'antagoniste principal de l'histoire. Calvera est finement élaboré, ce n'est pas un méchant caricatural qui fait le mal juste pour faire le mal, mais un homme responsable de tout un groupe qui pour cela est prêt à piller les réserves des plus faibles pour subsister. Un besoin désespéré. S'il peut éviter de donner la mort il le fait, mais s'il doit passer par là il le fera, car comme il ne cesse de le dire : " on compte sur lui. " Calvera apprécie et respecte la loyauté et la bravoure chevaleresque. Lorsque celui-ci piège les 7, il les laissent partir avec leurs armes. Une attitude que beaucoup considèrent comme '' stupide '' et '' pas du tout crédible '', ce qui pour le premier point n'est pas tout à fait faux, mais qui s'explique totalement pour le second point en écoutant simplement ce que celui-ci dit à ce sujet, car il justifie totalement son geste.



CONCLUSION :



Les 7 mercenaires de John Sturges est une œuvre conséquente d'importance qui résiste admirablement à l'épreuve du temps. Un récit formidable que l'on doit initialement au génie d'Akira Kurosawa qui trouve ici un second souffle ingénieux en adaptant le concept japonais pour le décor américain troquant les étendues de fleurs de cerisier par des vastes étendues de poussières, et en remplaçant les katanas par les revolvers. Une histoire simple mais intelligente qui superpose de nombreux thèmes riches et profonds à travers une multitude de personnages somptueux, incarnés par une magnifique distribution.


Un western presque unique en son genre.



Ça me rappelle l’histoire de ce type qui s’était jeté dans un cactus après s’être mis tout nu ; moi aussi, je lui ai demandé pourquoi.
- Alors ?
- Il m’a dit que sur le moment, l’idée l’avait tenté.


B_Jérémy
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à sa liste « WESTERN ! » : classement du meilleur au pire des films du genre

Créée

le 25 sept. 2021

Critique lue 1.1K fois

63 j'aime

30 commentaires

Critique lue 1.1K fois

63
30

D'autres avis sur Les Sept Mercenaires

Les Sept Mercenaires
zombiraptor
10

Brynner fatidique, Bronson le glas, God save McQueen...

Vous aviez réussi à me faire douter quand même, chers éclaireurs, avec vos notes bien frileuses, se maintenant entre un 7 affligeant et un 8 faiblard... Il s'agit pourtant là du film qui, encore tout...

le 23 févr. 2014

62 j'aime

15

Les Sept Mercenaires
Sergent_Pepper
8

Lost in faith

Il faut le cran des américains pour oser reprendre Les sept samouraïs de Kurosawa, six ans après sa sortie. Déplacé sur les terres mexicaines, en couleur et à renfort d’un casting all star, le film...

le 4 nov. 2016

45 j'aime

6

Les Sept Mercenaires
Ugly
10

les 7 magnifiques

John Sturges transpose les Sept samouraïs de Kurozawa dans le Mexique du XIXème siècle et en fait un western mythique de chez mythique. Cette histoire de villageois misérables qui demandent de l'aide...

Par

le 12 juil. 2016

43 j'aime

15

Du même critique

Joker
B_Jérémy
10

INCROYABLE !!!

La vie est une comédie dont il vaut mieux rire. Sage, le sourire est sensible ; Fou, le rire est insensible, la seule différence entre un fou rire et un rire fou, c’est la camisole ! Avec le Joker...

le 5 oct. 2019

170 j'aime

140

Mourir peut attendre
B_Jérémy
8

...Il était une fin !

Quel crime ai-je commis avant de naître pour n'avoir inspiré d'amour à personne. Dès ma naissance étais-je donc un vieux débris destiné à échouer sur une grève aride. Je retrouve en mon âme les...

le 7 oct. 2021

132 j'aime

121