Il faut le cran des américains pour oser reprendre Les sept samouraïs de Kurosawa, six ans après sa sortie. Déplacé sur les terres mexicaines, en couleur et à renfort d’un casting all star, le film de John Sturges comprend tout l’intérêt qu’il y a à reprendre le chef d’œuvre nippon, dans lequel on trouvait déjà ce savant équilibre entre action et réflexion humaniste.


Tout consiste ainsi à distiller, par un grand travail sur le rythme, les fusillades et la romance, la tension et l’échange, l’héroïsme et la mélancolie. Il n’est à ce titre pas innocent que le premier fait d’arme des deux mercenaires du départ soit d’assurer un enterrement dans la dignité. Les personnages de Yul Brynner et Steve McQueen semblent avoir parfaitement conscience de leur statut : errants, sans attaches, libres, certes, mais lucides quant aux béances de leurs destinées, ils s’expriment par geste de la main, pour indiquer vaguement la direction qui est la leur, ou inventent jusqu’à leur identité (Make it Vin, répond McQueen lorsqu’on lui demande son nom). Les taiseux ont donc à composer un groupe, sous payé, l’occasion d’un casting désabusé mais qui garde toujours ce sourire mélancolique propre au héros du Far West.


La galerie de personnages fonctionne elle aussi très bien : du vénal persuadé qu’on lui cache un trésors fabuleux à l’escroc masquant sa lâcheté, en passant par le jeune chien fou qui s’enivre du danger, la troupe prend ses quartiers dans un village anonyme, l’occasion de braquer les projecteurs sur le monde paysan, habituellement cantonné au rang de victimes passives et mutiques. C’est là l’un des intérêts de ce western que de s’acharner à donner à chaque catégorie un rôle déterminant : mercenaires, bien entendu, mais aussi leurs employeurs, le folklore mexicain, les femmes, jusqu’aux enfants qui entourent la figure de Bronson.


Ce regard panoramique et ambitieux explique la longueur du film (130 minutes), mais ne parvient cependant pas toujours à l’occuper de façon pertinente. L’attente et la situation finale occasionnent un nombre de débats un peu répétitifs (rester ou non, revenir ou non) et l’ultime affrontement expédie rapidement certains décès de personnages auxquels on aurait pu s’attacher davantage. On n’atteindra ainsi jamais la puissance émotionnelle de Kurosawa (qui, il faut l’admettre, dure beaucoup plus longtemps).


La conclusion reste cependant intéressante dans sa manière de questionner la notion de victoire : en retournant à la routine anonyme, en permettant au jeune premier de renouer avec des origines qu’il avait reniées, le monde paysan l’emporte avec une modestie qui accroît encore la mélancolie des héros sans attache. Et de faire ce constat, qui structure la dynamique même du justicier à l’origine des quêtes fictionnelles, au service du spectateur plus que de lui-même :



We lost. We always lost.



(7.5/10)

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le 4 nov. 2016

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Sergent_Pepper

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