1974 : entrée fracassante de Depardieu, de Dewaere et de Miou-Miou dans le monde du Cinéma, deux voyous et une midinette filmés sous l'oeil tendrement salace de Bertrand Blier. Ce sera Les Valseuses, balade décontractée du gland savamment vulgaire et dévastatrice inaugurée par une agression menée tambour battant à renfort de caddie de supermarché dans les rues désertiques d'une ville comme tant d'autres. Jean-Claude et Pierrot traînent leur guêtres puis caracolent au championnat de vol de tires, ne respectent rien ni personne sinon eux-mêmes, foutent le camp puis cherchent un cul, LE cul, spectaculaire, irrésistible, histoire de prendre leur pied et de ressusciter la virilité de Pierrot entre deux escapades. Ils croiseront donc la route de Marie-Ange, shampouineuse au coeur sensible mais frigide comme une glacière qui préfèrera s'encanailler aux côtés des deux larrons que de rentrer dans les ordres d'un système conspuant les chevelus et autres va-nu-pieds du même acabit.
Drôle, follement libre et désespérant Les Valseuses est un film culte à voir et à revoir inlassablement, pour sa portée soixante-huitarde témoignant d'une époque où tout était possible... Entre un Gérard Depardieu puissant en voyou altier et entreprenant et un Patrick Dewaere d'ores et déjà tourmenté et légèrement en retrait de son comparse la réalisation de Bertrand Blier s'en tient admirablement à l'esprit du bouquin d'origine : très crue, poétique, rabelaisienne presque la verve du célèbre dialoguiste semble taillée sur mesure pour ses interprètes, tous plus géniaux les uns que les autres. Entre une Jeanne Moreau bouleversante en femme ménopausée et cabossée par la vie, un Jacques Chailleux amusant en criminel vierge de toute expérience sexuelle ou encore une Isabelle Huppert dans la fleur de l'insolence et de la jeunesse le casting des Valseuses promet de formidables pépites. C'est jubilatoire sans jamais sombrer dans la surface des choses, trivial mais profondément humain dans le même temps.
Un mot sur la composition somptueuse de Stéphane Grappelli, intemporelle et tranchée dans la même logique subversive : le thème de la Ballade, celui de la Rolls ou encore celui de Jeanne sont de petits bijoux musicaux à réécouter d'urgence, pouvant être re-découverts indépendamment des images d'un film hautement provocateur mais couvant in fine une infinie tendresse. Les Valseuses est et restera le film culte de toute une génération, indispensable et incontournable !