Il y a des films comme ça où, lorsque le visionnage se termine, le seul mot qui nous vient à la bouche est « Mouais ». On sait qu’on n’a pas aimé, mais on ne peut pas dire qu’on a trouvé ça pourri non plus. On ne sait pas si on est passé à côté de quelque chose ou si c’est le film qui est à côté de la plaque. C’est exactement ce qu’il s’est passé avec Let The Bullets Fly (2010) de Jiang Wen. Pourtant, je voulais l’aimer ce film, car le trailer était sympathique, l’univers me plaisait (western à la sauce chinoise), et en plus il y avait le toujours excellent Chow Yun Fat, interprétant pour une fois un bad guy. Une chose est sûre, c’est que Let The Bullets Fly est un film étrange, qui va mélanger les genres de manière parfois bizarre, au point d’arriver à créer des malaises, ce qui ne l’a pas empêché d’être un énorme succès en Chine, au point d’engendrer deux suites.


Pour son premier film commercial, Jiang Wen va jouer la carte de la comédie d’action aux relents de western spaghettis. Il s’agit d’une adaptation d’un récit de Ma Shitu qui fait partie de son recueil Ye Tan Shi (Dix Récits Nocturnes). Le succès en Chine est immédiat, le film rapportant pas moins de 140M$US au box-office pour un budget estimé à 15M$US. Let The Bullets Fly est d’ailleurs encensé par la critique. Le film commence d’ailleurs plutôt bien, avec une attaque de train ne nous laissant aucun doute sur l’aspect Action / Comédie du film, où les coups de feu vont côtoyer le burlesque. Mais très rapidement, on a cette impression que quelque chose cloche, un peu comme si rien de ce à quoi on est en train d’assister ne faisait naturel. Les ruptures de ton sont souvent trop brutales, et certaines scènes improbables arrivent comme un cheveu sur la soupe. Pire encore, on se demande le pourquoi de certaines scènes, comme ce moment où un des personnages s’éventre (gerbes de sang à l’appui) pour prouver qu’il n’avait mangé qu’une seule gelée et pas deux comme on l’accusait. Alors que le gag aurait pu être fun, il est à l’inverse ici complètement malaisant. Ce phénomène se produira d’ailleurs à d’autres reprises. En fait, on a l’impression que Let The Bullets Fly a le cul entre deux chaises. Lorsqu’il y a de l’action, un gag arrive de manière maladroite ; lorsqu’il y a une scène dramatique, par exemple lorsqu’un personnage meurt, une réplique de très mauvais goût est balancée ; lorsque le film veut insister sur un point précis, il va le faire 5, 6, voire 7 fois d’affilée (le lancement de la scène d’attaque finale). On a souvent cette impression de lourdeur, comme si certaines idées/lignes de dialogue arrivaient avec d’énormes sabots. Le résultat a souvent quelque chose de dérangeant, d’irritant même, au point que son visionnage n’est régulièrement pas agréable.


Même chose en ce qui concerne le jeu des acteurs qui, pour la plupart, vire au cabotinage le plus total. Seul Jiang Wen et quelques seconds rôles restent « sobres », les autres, à commencer par Chow Yun-Fat, partent dans le surjeu à outrance. Je suis un habitué du cinéma de Hong Kong, spécialiste comédie cabotinantes, mais là, ça ne colle pas avec le reste du récit qui se veut malgré tout une critique sociétale dénonçant les riches qui s’en mettent plein les poches pendant que les pauvres ramassent des clopinettes, le tout sur fond d’histoire à la Robin des Bois. De plus, le film est excessivement bavard, non pas que ça soit un problème en soi mais (d’après ce que j’ai pu lire ci et là), les dialogues sont tellement truffés de références, de métaphores, et autres subtilités de langage, qu’il est difficile de bien en saisir tous les sens cachés pour qui ne maitrise pas parfaitement le mandarin (les sous titrages ayant souvent tendance à simplifier les choses). On a cette désagréable impression de passer à côté de quelque chose à ce niveau-là également. Du coup, on ressent un gros ventre mou d’une heure, durant laquelle l’intrigue semble se mettre en place, avec tout ce que cela comporte de manigances et autres coups fourrés agrémentés de gags pas toujours très heureux, et on attend patiemment que le final, durant la dernière demi-heure, vienne faire décoller un récit qui, pour le moment, et à part les 15 premières minutes, n’avait rien de passionnant. Alors oui, la mise en scène de Jiang Wen a de la gueule, avec ses beaux décors, ses plans audacieux et sa musique parfois épique, mais on ne peut pas s’empêcher de penser au sortir du film qu’on n’a pas passé un très agréable moment malgré un final qui relève un peu l’ensemble.


Alors que le mélange action / comédie fait souvent bon ménage, il n’est clairement pas des plus homogènes dans Let The Bullets Fly. Le visionnage est assez pénible, et le film est heureusement sauvé de la catastrophe totale par sa dernière demi-heure.


Critique originale avec images et anecdotes : ICI

cherycok
4
Écrit par

Créée

le 23 sept. 2020

Critique lue 180 fois

2 j'aime

cherycok

Écrit par

Critique lue 180 fois

2

D'autres avis sur Let the Bullets Fly

Let the Bullets Fly
cherycok
4

Critique de Let the Bullets Fly par cherycok

Il y a des films comme ça où, lorsque le visionnage se termine, le seul mot qui nous vient à la bouche est « Mouais ». On sait qu’on n’a pas aimé, mais on ne peut pas dire qu’on a trouvé ça pourri...

le 23 sept. 2020

2 j'aime

Let the Bullets Fly
anthonyplu
6

Pour voler, il faut échapper à la gravité...

Premier film ouvertement commercial pour Jiang Wen qui rencontra un vif succès grâce à son mélange comédie/action et porté par un casting de luxe où outre Jiang Wen, excellent dans le rôle principal,...

le 5 févr. 2017

1 j'aime

Let the Bullets Fly
Ezhaac
4

Critique de Let the Bullets Fly par Ezhaac

Si je commence à comprendre quelque chose de l'humour dans le cinéma chinois, c'est qu'ils sont très friands de violence, de gens qui se cognent violemment, et le plus gratuitement possible, de...

le 1 janv. 2024

Du même critique

Journey to the West: Conquering the Demons
cherycok
7

Critique de Journey to the West: Conquering the Demons par cherycok

Cela faisait plus de quatre ans que Stephen Chow avait quasi complètement disparu des écrans, aussi bien en tant qu’acteur que réalisateur. Quatre ans que ses fans attendaient avec impatience son...

le 25 févr. 2013

18 j'aime

9

Barbaque
cherycok
4

The Untold Story

Très hypé par la bande annonce qui annonçait une comédie française sortant des sentiers battus, avec un humour noir, méchant, caustique, et même un côté gore et politiquement incorrect, Barbaque...

le 31 janv. 2022

17 j'aime

Avengement
cherycok
7

Critique de Avengement par cherycok

Ceux qui suivent un peu l’actualité de la série B d’action bien burnée, savent que Scott Adkins est depuis quelques années la nouvelle coqueluche des réalisateurs de ce genre de bobines. Mis sur le...

le 3 juil. 2019

17 j'aime

1