Pour voler, il faut échapper à la gravité...

Premier film ouvertement commercial pour Jiang Wen qui rencontra un vif succès grâce à son mélange comédie/action et porté par un casting de luxe où outre Jiang Wen, excellent dans le rôle principal, on trouve aussi Chow Yun Fat en méchant mais également Carina Lau, You Ge ou Fan Liao.


Bien reçu par la critique lors de sa sortie, le film est pourtant profondément inégal avec un très long tunnel central après une ouverture en fanfare pour l'attaque du train et l'arrivée dans La ville des oies. C'est pas nécessairement spectaculaire ou palpitant mais assez drôle et décalée pour une présentation des personnages percutantes qui donne l'esprit à venir. On voit que Jiang Wen semble vraiment content de bénéficier d'un vaste budget et multiplie les grands mouvements de caméras et pas mal de trucages. L'arrivée de Chow Yun Fat dans un double rôle est tout autant savoureuse et ça fait vraiment plaisir de revoir l'acteur cabotiner génialement dans le rôle du sosie benêt.
On se dit alors qu'on va passer un très bon moment en si plaisante compagnie.


Et bien pas vraiment... Jiang Wen a essayé de varier les registres et certaines ruptures de tons ne marchent absolument pas, surtout celles qui vont dans l'humour noir ou le malaise. Ca commence par une longue séance où le fils adoptif de Jiang Wen s'éventre en plusieurs étapes pour montrer qu'il n'a pas arnaqué un restaurateur. C'est un peu gore (mais pas trop ; l'ensemble est hors-champs mais les bruitages et les éclaboussures sont douloureusement grotesques) et la scène arrive trop brutalement pour qu'on ne soit pas un peu perdu dans les enjeux et les rapports de force. La suite ménage aussi quelques moments où la mort de certains personnage secondaires donnent lieu à quelques gags malvenues (dont un personnage féminin).
Personnellement, ça m'a surtout fait sortir du film car c'est trop contrasté avec l'esprit bon enfant initial et cette noirceur n'est soit pas assez prononcé, soit trop prononcé. En tout cas, en l'état, il y a de gros problèmes d'unité et de construction dramatique. Et comme cela correspond à un moment où l'intrigue stagne, il est un peu délicat de se prendre au jeu.
Par ailleurs, il faut admettre que le film est extrêmement bavard, ce qui n'est pas un problème en tant que tel (c'est un recherche stylistique comme celle de Preston Sturges ou d'Howard Hawks) mais les jeux de mots, références culturelles et subtilité de langage se prêtent mal à la traduction d'autant que les sous-titres français étaient souvent en retard. Alors certes, il y avait des sous-titres anglais sur l'image mais la gymnastique n'aide pas à se concentrer sur le film.


Ca repart tout de même dans la dernière partie, soit une trentaine de minutes, quand Jiang Wen et sa troupe décide de rendre la monnaie de sa pièce à Chow Yun Fat alors que ce dernier essaye de monter une fausse bande de criminels pour ternir leur réputation de "Robin des bois".
Le scénario retrouve alors l'élan et l'invention du début tandis que les quelques séquences d'action sont très plaisantes, à la limite du cartoon mais toujours dans un esprit décalé et pour le coup fort dynamique avec un découpage nerveux et bondissant. Il y a quelques très bon gags durant ce dernier acte avec l'estimation du pourcentages de chance, le cortège des oies et l'astuce pour essayer de pousser la foule à se rebeller.
Ca permet de sortir avec une bonne impression sans tout de même gommer les grosses lacunes du film auquel il faut rajouter un personnage de Chow Yu Fat mal exploitée.


Du coup, Gone with the bullets (où en effet Jiang Wen joue un personnage du même genre) m'a paru autrement plus réussi et cohérent avec une réalisation et une écriture plus audacieuses, expérimentales et surtout une approche que je trouve plus personnelle et touchante. Il possède ses propres défauts mais l'élan de sa réalisation est tellement plus vive que ça balaie mes réserves. Son insuccès et la sévérité des critiques sont assez injuste au final.

anthonyplu
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le 5 févr. 2017

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anthonyplu

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