C’est difficile de parler quelque temps après d’un film qui a tout fait pour se faire oublier, en particulier donner envie de revoir Naissance d’une Nation qui l’envoya directement dans les limbes des films inutiles au fond de ma mémoire à gauche, juste derrière les œuvres complètes de Hal Walker…

Pourtant, la leçon d’histoire douteuse de tonton Spielberg avait de quoi m’intéresser, en particulier dans le fonctionnement des institutions, dans toutes les tergiversations employées par Lincoln pour faire passer le treizième amendement et dans la description d’une époque charnière qui aurait mérité autre chose que le traitement pompier habituel à l’auteur.

Cela commence d’ailleurs assez mal, avec le discours à Gettysburg récité par des soldats blancs puis par un soldat noir histoire de bien nous faire comprendre tout de suite que le politiquement correct sera de mise jusqu’à représenter en fait la seule version de l’Histoire présentable : la fade, la facile, la fausse enfin…

Dans cette perspective, le personnage de Thaddeus Stevens joué par Tommy Lee Jones est une insulte à l’esprit critique et je préfère ne pas trop m’attarder là-dessus de peur de perdre mon légendaire sang-froid et de le remplacer par le juste courroux que cette façon infantile de faire commence à me faire monter aux naseaux.

Ce qui ennuie, finalement, c’est que tonton Spielberg ne va même pas au bout de son truc. S’il décide de se concentrer sur les voix à gagner pour faire passer le vote et uniquement là-dessus, il faut y aller franchement, nous les montrer une à une en faire un suspense réel en lieu et place de ces scènes approximatives où trois hommes de main mal présentés vont de l’un à l’autre sans faire vibrer grand-chose chez le spectateur… Avec ça, la couche familiale obligatoire n’aide pas, entre l’ignoble épouse et les deux gamins inutiles, on a de quoi faire jusqu’à l’écoeurement…

Sinon, inutile de s’attendre au minimum de profondeur intellectuel, politique et historique nécessaire à un projet de cette envergure, Spielberg a l’air de faire sienne la théorie de son personnage qui se branle complètement de savoir ce qu’il adviendra concrètement de l’arrivée subite de millions de nouveaux citoyens dans un contexte de fin de guerre avec un lourd passif, comme il se branle d'ailleurs aussi de la réalité du contexte ayant entraîné la guerre civile, ce qui pourrait sembler un peu léger aux plus retors d’entre nous.

Pourtant, il y a quelque chose de propret dans la reconstitution, j’ai un faible pour les films sur le monde politique, Spielberg a du métier, ça se regarde sans trop de souffrance, les acteurs font le travail, en particulier Daniel Day-Lewis, très habité par le rôle et qui fait juste regretter que Spielberg se soit senti obligé d’en faire des tonnes dans la mise en scène pour rattraper les cinq centimètres qui lui manquent pour le rôle. Du coup, c’est couillon on a l’impression a contrario qu’il doit être encore plus petit que ça pour justifier tous ces tics douteux…

Pour un Henry Fonda de la même taille, Ford nous cassait beaucoup moins les roubignoles et ça passait merveilleusement bien… enfin, vaut mieux pas que je pense trop à des vrais films, ça va encore me donner envie de baisser celui-là…

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le 17 juil. 2013

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Torpenn

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