A tous ceux qui, comme moi, furent décontenancés par la tournure de la saga Pirates des Caraïbes, Lone Ranger s’impose comme une alternative bien intéressante.


C’est comme si tous ceux qui avaient fait de la trilogie Pirates des Caraïbes, un véritable bijou de divertissement avaient déserté pour se diriger vers ce western moderne, pastiche à peine voilé à Ford et Leone. Après sa petite escapade chez Nickelodeon pour réaliser son chef d’œuvre ultime, Rango, le génial Gore Verbinski revient auprès de Disney pour nous pondre un second western survitaminé, Lone Ranger. Un projet bien plus ambitieux, avec des fonds plus importants (c’est Mickey qui tient les soussous). Si Rango est un hommage au western, réétudiant les fondements du genre pour nous offrir une monstrueuse mise en abîme sur l’Art de réaliser et l’Art de jouer un rôle pour Johnny Depp, Lone Ranger s’affiche comme un film moins intello mais pas moins riche de thématiques et de références.


Et pourtant, même moi qui suis fan de Verbinski, je ne m’étais pas déplacé en salle pour aller voir Lone Ranger en 2013 et j’ai toujours pensé que je ne verrai jamais ce film, car jamais il n’avait suscité mon intérêt. Allez savoir pourquoi. Ce fût un ratage total, tant sur le plan financier que sur le plan critique. Pourtant, il a suffi de revoir les Pirates des Caraïbes et de lire quelques critiques pour me motiver à me tourner vers le western à la sauce Disney/Verbinski.


A vrai dire, on est plus face à un film de Verbinski qu’à une production Disney. Je suis même étonné à quel point Verbinski semble totalement libre. Libre dans ses ambitions visuelles (on retrouve cette éternelle démesure qui rythme ses scènes d’action), libre dans les thématiques qu’il aborde (l’évolution de l’Amérique se reposant sur la corruption et le génocide amérindiens), et fait encore plus surprenant, libre dans sa violence. Ça, c’est vraiment quelque chose qui m’a surpris, c’est cette violence omniprésente dans le film, ça meurt dans tous les sens, le méchant mange le cœur de ses victimes, les personnages se rendent chez des filles de joie. Bref, le côté friendly (et un peu gonflant) de Disney est décidément absent de Lone Ranger. Et vous savez quoi ? Et bien j’aime bien cette tournure.


J’ai face à moi un film éminemment ambitieux, avec des scènes d’actions dignes de son réalisateur et faisant preuve d’une inventivité folle avec en prime, la magnifique photographie de Bojan Barzelli (enfin, je retrouve les gueules crades que je chéri tant dans les Pirates des Caraïbes). Un film qui n’hésite pas à évoquer des sujets aussi sensibles que le traitement des amérindiens pendant la création des chemins de fer. On retrouve d’ailleurs pas mal de thématiques de Jusqu’au Bout du Monde, un monde qui évolue trop vite, régie par des institutions politiques dictatoriales et corrompues (la compagnie britannique des Indes Orientales pour les pirates et l’autorité blanche dans Lone Ranger). Ceci dit, c’est quelque chose qu’on retrouve dans tout le cinéma de Verbinski, cette thématique apparaissant également dans Rango avec le maire de Poussière qui modernise sa ville en enterrant les icônes du western. Un monde qui pousse donc les marginaux à prendre les armes et à s’élever contre une autorité répressive et élitiste qui porte plus d’intérêt sur la valeur de l’argent que celle d’une vie humaine.


De plus, si Verbinski avait remis au goût du jour le cinéma de pirate avec ses Pirates des Caraïbes, il arrive également à offrir un nouveau souffle au genre du western. Rango était un vibrant hommage aux figures emblématiques du genre tel que Clint Eastwood ou Lee Van Cleef, Lone Ranger se penche davantage sur les codes et les gimmicks qui ont façonné le modèle si particulier du western. On retrouve tout ce qui fait un western, un savant mélange des thématiques de Ford et de l’imagerie Leone, le tout avec l’énergie désinvolte et jubilatoire de Verbinski.


En plus de ça, on a des acteurs convaincants. Armie Hammer se montre foutrement bon en avocat d’abord convaincu par la diplomatie et la justice et qui sombre petit à petit jusqu’à devenir un justicier hors-la-loi. Et puis surtout, Verbinski poursuit dans son intention de dynamiter les rôles standards de Johnny Depp, chose qu’il avait entrepris avec Rango. Alors qu’à cette époque, Depp était cloisonné dans des rôles similaires à Jack Sparrow, à savoir des personnages bavards, haut en couleur et gesticulant dans tous les sens, ici, le personnage de Tonto est laconique, mystérieux et malgré son maquillage, bien moins extravagant que les précédents rôles de l’acteur. Tonto, c’est un vrai personnage. L'indien acolyte du Lone Ranger a un véritable background émotionnel et la performance de Depp sublime le personnage qui se hisse parmi les meilleurs de sa carrière.


Mais pourtant, malgré ses grandes qualités, Lone Ranger demeure un film finalement assez mineur dans la carrière de Verbinski. Tout d’abord, je trouve le film extrêmement prévisible. Là où ses Pirates des Caraïbes ont toujours su me surprendre avec des retournements de situations tous plus invraisemblables les uns que les autres, les twists de Lone Ranger sont décidément trop simples à anticiper. On sait à l’avance qui sera le traître, la tournure des évènements et l’évolution de la relation des personnages (cet éternel moment où le duo se sépare pour mieux se retrouver après). Du coup, le fait de pouvoir tout prévoir à l’avance, ça retire une grosse part de l’intérêt du film. D’autant plus qu’il recèle pas mal de longueurs, c’est un film bien plus bavard que les précédentes réalisations de Verbinski, au point qu’on finisse par les sentir passer ces deux heures et demie. C’est con, parce que je pense que si on avait coupé trente minutes de film, on aurait aucunement perdu la force émotionnelle de certaines scènes, et le long-métrage aurait été bien plus facile à digérer. Ces longueurs font de Lone Ranger un spectacle plaisant et parfois stimulant, mais tout de même inégale dans sa globalité.


En sommes, Lone Ranger, c’est un film bien sympa, dans la lignée de ce à quoi nous a habitué Gore Verbinski et le producteur Jerry Bruckheimer. Un rôle intéressant pour Depp, et un Armie Hammer vraiment bon. Je finis par regretter qu’il ait reçu un accueil public aussi faiblard.


Petit rajout en mars 2022. Revu le film, les 2h30 passent mieux et les scènes d'actions sont foutrement cools. Le film a des longueurs, mais c'est vraiment un super bon moment !

James-Betaman

Écrit par

Critique lue 61 fois

D'autres avis sur Lone Ranger - Naissance d'un héros

Lone Ranger - Naissance d'un héros
guyness
6

Grand frère et damnation

Un bollockbuster© qui fait un départ poussif, voir raté, aux états-unis ça peut vouloir dire deux choses. Soit c'est pire que d'habitude soit c'est juste un peu différent. Alors pour ne rien vous...

le 8 août 2013

82 j'aime

14

Lone Ranger - Naissance d'un héros
Gand-Alf
8

Reliques de l'ouest.

De moins en moins motivé à trainer mon joli p'tit cul dans les salles obscures (c'est cher, le bluray sort dans quatre mois, y a des gens bizarres que je connais pas, faut que je mette un pantalon et...

le 9 août 2013

68 j'aime

21

Du même critique

Coupez !
James-Betaman
4

Tout l'art d'être critique (ou pas)

Le principe même de ce remake avait de quoi intriguer. Ce n’était pas une première pour Michel Hazanavicius de se réapproprier une œuvre filmique afin de lui insuffler un vent de modernité (et son...

le 29 janv. 2023

54 j'aime

28

After - Chapitre 1
James-Betaman
1

Le digne successeur de 50 Nuance de Grey... On pouvait pas espérer mieux

Hier soir, je me suis couché en me disant que la nuit porterait conseil pour ma critique d'After. Tu parle ! J'ai passé la nuit à cogiter dans ma tête, cherchant un truc bien à dire sur ce...

le 18 avr. 2019

52 j'aime

12

The Kissing Booth
James-Betaman
1

La pire représentation de la jeunesse que j'ai pu voir dans un film

J'ai eu une discussion avec un ami sur beaucoup de choses, notamment sur la société et les jeunes. Cet ami, qu'on va appeler Jack, parce que ça sonne bien, m'avait livré ce qu'il considère comme...

le 15 août 2018

46 j'aime

15