Avec ses cadrages à la Argento, son ambiance mystico-psychanalitic à la Lynch, ses éclats à la Cronenberg pour n’en citer que quelques uns, Ryan Gosling a largement puisé dans sa mémoire de cinéphile pour composer un premier film somme toute assez impersonnel, mais pas inintéressant. Car si le spectateur est constamment déstabilisé, la fable elle s’immisce en lui, et finit par provoquer une empathie pour ces personnages évoluant dans un univers apocalyptique. Ce n’est pas pour autant un Mad Max auteurisant, car cette vision d’une ville fantôme, ravagée par la crise, où les pulsions primaires prennent le dessus sur tout ordre moral n’est pas sans évoquer le risque d’un futur proche. Gosling en est conscient et nous rappelle que le cinéma a aussi cette vocation de vouloir réveiller de temps à autre les consciences. Alors bien sur, le côté fourre tout de la mise en scène, trop appuyée, ce melting pot au point de vue esthétique viennent affaiblir l’ensemble. Sur un sujet similaire, on peut préférer « Le bêtes du sud sauvage » plus empreint d’originalité et d’émotions. Mais ce qui est certain, c’est que certaines scènes resteront en nous gravées. On pense à la grand-mère (si symbolique d’un avant) impassible et figée ad vitam eternam dans la passé, à ces fantomatiques incendies de maisons faisant place nette, ou encore les réverbères d’une ville engloutie qui s’allument, montrant la voie à suivre, ce grand guignol plus vrai que nature… « Lost river » est une œuvre hypnotique et désabusée qui dégage un charme un peu vénéneux. Pour une première réalisation, Gosling peut s’estimer heureux, et nous également.