Pitch déjà hautement improbable quand on découvre qu'un policier, après avoir vu le suicide d'un travesti, prend rendez vous avec un psychiatre pour comprendre le phénomène du travestissement et éviter de nouvelles bavures.... Les cas de conscience aussi spontanés me semblent pousser la morale un peu loin, mais soit, le film fait preuve de bonne volonté. Surtout dans l'approche de son sujet, maladroite car pas très assurée (le sérieux plombant l'émotion, l'empathie est assez aléatoire), et qui force le trait (assimilant travestissement et transidentité). Les défauts du film sont surtout les grosses fautes de goût d'Ed Wood (que Tim Burton assimilera à une candeur optimiste bien naïve), qui donne un rôle de narrateur à son ami Bela Lugosi (et dire qu'il est à côté de la plaque relève de l'euphémisme, c'est un troll massif dans un magasin de porcelaine à chacune de ses apparitions, avec un sommet de ridicule pour l'évocation du dragon vert de la honte). A plusieurs reprises, pour éviter sans doute de trop emmerder le spectateur en filmant des dialogues plan-plan, il nous balance des images d'autoroutes, de sidérurgie... Du remplissage que personne n'aurait jamais osé faire en dehors d'un nanar. Et malheureusement pour son sujet, plusieurs de ses arguments flirtent avec le ridicule (l'évocation des ailes et des roues comparée à une opération de changement de sexe pour compenser ce que la nature n'a pas donné... C'est aller un peu vite en besogne, nous ne sommes pas tous à voile et à vapeur !). Ou encore la séparation des genres masculins et féminins, illustrée par une séquence avec des "sauvages" exécutant une petite danse tribale avant d'emmener une femme sur leur épaule... Mouais, du bon goût tout ça. Et néanmoins, quelques vérités passent par ci par là. Notamment quand le film met en valeur le soulagement moral de pouvoir se vêtir à sa guise, ou encore l'éternel dilemme de la révélation à ses proches. Pendant la confrontation entre psychologue et policier, le film passe essentiellement par deux parcours, l'un de soldant par un retour au genre masculin (une explication assez rigide de personnalité féminine inventée en réaction à un manque d'affection parental), et un cas plus particulier atteint d'une malformation physique autorisant à l'époque le changement de sexe (cas intéressant aussi pour le parcours de la personne, très efféminée pendant l'enfance, puis faisant avec succès son service militaire avant de rentrer au pays et songer à l'opération). Le film prône d'un côté la compréhension et si possible un retour à la normale, mais valide également le changement de sexe quand aucune autre issue n'est envisageable. En prenant le parti du respect de l'intégrité d'autrui et tenir compte de ses souffrances. Fond excellent (que j'embellis un peu vu la maladresse de la narration, essayer d'écouter Bela 5 minutes sans sourire), et même avec quelques idées de scénario qui fonctionnent (le travestissement de Glen lors d'une fête costumée, au cours de laquelle il remporte un tel succès qu'il choisit de conserver sa tenue à partir de cet instant, lançant le drame de son existence). On note même une idée de mise en scène efficace (réutilisée avec abus) de nos travestis se contemplant dans les vitrines de boutiques de mode pour femme. Un bon fond, mais un film qui a considérablement mal vieilli, au point d'être assez peu efficace à moins d'avoir vu le biopic de Burton sur le personnage et de relativiser un peu ses tendances nanardeuses. Et parfois, un petit éclair de lucidité dans l'univers bordélique d'Ed Wood Junior.
Voracinéphile
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le 13 nov. 2014

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