Dix-sept ans après ‘’The Rules of Attraction’’, et un passage par la case prison (des suites d’un sordide accident de tuture), Roger Avary est de retour derrière la caméra. Cinéaste à l’origine du scénario de ‘’True Romance’’, de séquences de ‘’Pulp Fiction’’, mais aussi réalisateur de l’excellent, et putain de sympathique, ‘’Killing Zoé’’, sa carrière aura été jonchée d’embuches, et rarement il ne sera parvenu à exploiter son talent, pourtant certain.
Après autant de temps loin d’une caméra, il ne fallait pas s’attendre à grand-chose de ce ‘’Lucky Day’’, et heureusement que l’attente n’était pas en jeu, puisque le film, dans son ensemble, n’est vraiment pas terrible. À trop vouloir être cool, et retrouver l’ambiance décalée de ‘’Pulp Fiction’’, et cette atmosphère irrévérencieuse créée par le jeune cinéaste un peu branleur, qui dans les nineties pesait dans le game, et bien on se retrouve avec une œuvre branlante, un peu à côté de la plaque.
À l’image de cet oncle cinquantenaire en repas de famille, qui pense être dans la hype mais qui est en fait complétement ringard, et que l’on vient à ignorer gentiment, ‘’Lucky Day’’ est ainsi parcouru de ces moments de gênes un peu similaire. Peu aidé par un casting aux fraises, Crispin Glover et Clifton Collins jr. mis à part, pour le reste c’est un peu triste. La direction d’acteur étant totalement absente, la plupart des comédiens semblent livrés à eux-mêmes. Et comme ils sont dans un film qui se veut ‘’cool’’, ce ‘’cool’’ qui est la marque de fabrique de Roger Avary, et bien ils surjouent le côté relax, décontracté, qui ne fait plus tellement recette aujourd’hui.
Néanmoins, sur 1h40 de métrage, il aurait été étrange qu’Avary ne réussisse pas certaines scènes. Il y a donc quelques moments bien sentis, notamment dans l’étalage d’une violence décomplexée, qui si elle n’a plus rien d’originale aujourd’hui, promet des séquences amusantes. Tel que l’errance du personnage totalement hallucinant de tueur over the top joué par Crispin Glover, qui si par moment plonge un peu trop dans la caricature, est tellement habité que ça passe. Malsain et complétement court-circuité des synapses, forcément par moment ça ne peut que provoquer le rire, face à un absurde des plus funky.
De fait, une certaine frustration s’installe, puisque l’ambition de Roger Avary, visible à l’écran par plein de petites trouvailles, ne peut prétendre livrer une œuvre révolutionnaire, où un chef d’œuvre visionnaire. Du fait, il semble se contenter de s’éclater avec les moyens mis à sa disposition, et désireux d’entrainer le spectateur avec lui. Il se dégage ainsi du métrage un petit côté sympathique, presque touchant, confirmé par quelques scènes d’une honnêteté franche.
Mais l’ensemble demeure un peu vain, avec son visuel beaucoup trop léché, qui ne convainc pas, dissonant avec la pseudo-noirceur voulue par un synopsis peu original, et un traitement qui manque d’une vraie folie. Pour exemple, à trop vouloir iconiser Crispin Glover, sur lequel il se repose beaucoup, Avary en oublie toute la mesure nécessaire à présenter ce genre de personnage. Habituellement accompagné par une narration qui se dégrade, à mesure qu’ils s’adonnent à des actes horribles. Dans ‘’Lucky Day’’, la gratuité de ses gestes ponctue ici et là des séquences un peu vides de sens, qui suivent le retour à la liberté d’un ex-taulard, perceur de coffre, désireux de retrouver une vie de famille normalisé. Cliché.
Après autant de temps passé loin des studios, il était peu envisageable que Roger Avary débarque avec le film ultime. Comme avait pu le faire Terrence Malick et ‘’The Thin Red Line’’. La différence est que les deux metteurs en scène ne jouent pas dans la même cour. Assez proche de ‘’Killing Zoé’’ sur plusieurs points, ‘’Lucky Day’’ essaye ainsi tant bien que mal d’embarquer son spectateur dans un trip décomplexé et jouissif, ne parvenant que rarement à le faire.
Et le métrage ne se défait jamais de sa nature hyper classique, et trop conventionnelle, prisonnier de ce qui apparaît comme une certaine fainéantise, à trop se reposer sur un prestige bientôt trentenaire. Toutefois, ‘’Lucky Day’’ est plein de promesses, pas si dégueu que ça à regarder, et donne vraiment envie de voir ce que Roger Avary à encore sous le capot. À 54 ans, rien n’exclut que le mec débarque un de ces jours avec une œuvre ultime, qui viendrait rappeler que sa réputation est loin d’être un accident.


-Stork._

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le 10 févr. 2020

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