Visuellement intéressant, scénaristiquement agaçant...

On ne peut pas reprocher à Luc Besson de ne pas se faire plaisir : si l'on prend quelques uns de ses films cultes, à commencer par Le Cinquième Élément, on peut noter un traitement fun caractéristique de la patte du cinéaste, propice au divertissement pur jus.

Lucy, son dernier long-métrage en date, en est un bon exemple, Besson s'étant notamment lâché en termes de réa' : là est d'ailleurs le gros point fort du titre, à savoir un visuel décomplexé au possible et franchement réussi, de quoi vous retourner la rétine dans le bon sens du terme ; il subsiste aussi une photographie pour le moins propre, des décors bien sympas et une mise en scène par moments inspirée, conférant au tout une empreinte graphique plaisante.

Pour le reste... pas grand chose. Ah si, un postulat de départ plutôt louable, mais le bât blesse méchamment quant à son traitement même : sur ce point Besson vulgarise à l'extrême des tenants et aboutissants prometteurs, qui auréolaient une ambition folle devenu follement ridicule au bout du compte.

Du film de science-fiction au concept audacieux ne subsiste donc qu'une série B consternante, tant celle-ci piétine allègrement nos espérances ; Lucy démarrait d'ailleurs correctement, la mésaventure vécue par cette jeune étudiante (transparente, heureusement qu'il s'agisse de Scarlett Johansson) donnant lieu à quelques éléments probants... tel que des bad guys méchamment stylés menés par un Choi Min-sik méchamment charismatique, et une drôle de drogue rappelant Limitless.

Passé cette introduction sympathique, le film part en vrille totale : la trame s'avère aussi bête que dramatiquement peu inspirée, les facilités s'enchaînent à n'en plus finir, et l'on devine déjà avec plus ou moins d'exactitude ce que donnera le dénouement final.

Ceci découle en partie de cette néo-Lucy tenant du dieu sur pattes, qui ôte ainsi au film ne serait-ce qu'une bribe de suspense : tout est couru d'avance, Choi Min-sik et sa troupes de méchants hommes de mains deviennent ridiculement inutiles (ce qu'est notamment Del Rio/Amr Waked), tandis que Lucy développe une réflexion métaphysique pas captivante pour un sous ; ceci me rappelle d'ailleurs les images animalières couplées au chapitre introductif, qui outre leur utilité sujette à débat concourent à rendre le propos du long-métrage quelque peu prétentieux.

Il y aurait beaucoup à ajouter sur les maladresses de ce blockbuster français, comme ce basculement par intermittence dans le métrage d'action grossier couplé à une BO proprement agaçante (à noter une séquence automobilistique lorgnant du côté de Taxi), mais je pense avoir suffisamment bien résumé les composantes de mon présent désarroi.

Il convient toutefois d'aborder le fameux final, véritable trip sous acides soulignant toute l'ambition dont pouvait faire preuve Lucy, à ceci près que le contrat n'est rempli que visuellement parlant, ce dénouement faisant davantage office de raccourci scénaristique au regard du déroulement de trame dans son ensemble.

Bref, oui Lucy est fun, mais elle est aussi diablement navrante, à l'image d'un Morgan Freeman débitant des éléments d'intrigue scientifique superflus, ou encore au gré de dialogues tirés par les cheveux (Allô Maman, je pars en vrille - moi aussi je t'aime Lucy)... on en retiendra un visuel tonitruant et un Choi Min-sik excellent, tandis que l'on s'efforcera d'oublier le reste.

Décevant.