Classique du cinéma pour un chef d'oeuvre du thriller de Fritz Lang avec Peter Lorre. Lumière !

Quand Fritz Lang nous fait sa leçon de cinéma, on « touche » la perfection cinématographique. Une claque visuelle, la première de 2019, une claque de cinéma. On n’en ressort pas indemne. Ow… .
Pour son premier film parlant, Fritz Lang met en scène son treizième long-métrage en s’inspirant d’un atroce fait divers réel.
Synopsis : un tueur d’enfants, qui terrorise une ville, vient de commettre un nouveau crime. Un commissaire va alors enquêter en organisant des rafles dans les bas-fonds. Gênée, la pègre va s’en mêler… .
Le scénario, écrit à quatre mains par Lang et sa femme Thea von Harbou, explore les tréfonds de l’âme humaine par des personnages haut en couleurs. Le tueur d’enfants, en proie au doute, et les habitants de la ville, exaspérés, méfiants les uns des autres. Nous avons ainsi affaire à une oppression scénaristique qui nous engouffre au fin fond de nous-même. Un climat paranoïaque s’installe alors et c’est ainsi que le meurtrier, jovial et quoiqu’un peu discret, se fait l’exutoire de toute une population en détresse. Ainsi, même si ce n’est pas écrit noir sur blanc, l’écriture dotée de la peur de la mort et de la fin des valeurs de groupe (la mort de l’individu) montre en avant-première les aspirations de l’actuelle Madame Lang pour le nazisme. Et de montrer la crise sociale difficile que traversait l’Allemagne en ces années 1930.
Parlons un peu de l’ambiance de « M le maudit ». Elle est calibrée, adéquate et même stylisée. Et raffinée. En regardant ce métrage languien, on se dit qu’on est devant une toile de maître. Le n&b est maîtrisé à merveille permettant de comprendre l’addiction du meurtrier ou tout simplement les intentions de la population. Sans trop en faire, la lumière appuie l’action et le suspense comme jamais qui m’a fait penser par instants à « La vie passionnée de Vincent Van Gogh » de Minnelli. Les décors de la ville (Berlin), ses rues, ses escaliers, ses entrepôts… sont très bien trouvés et la séquence finale, dans les sous-sols de la ville, devenue inoubliable, est le summum de l’oppression du personnage de la ville sur le meurtrier. La ville s’est fait personnage pour mieux cerner les motivations du tueur. Chapeaux bas, messieurs les décorateurs !! L’utilisation des lumières et des décors de Berlin se fait ainsi l’héritage de l’expressionisme allemand. En matière d’image et de l’utilisation de ces caractéristiques, seul David Fincher sort aujourd’hui du lot avec des thrillers brillamment mis en scène (c’est le cas de le dire !) tels « Seven », « Panic room » et « The game ». Fritz Lang se fait ainsi révolutionnaire de l’ambiance d’un genre. Le directeur de la photographie sur « M le maudit » se nomme Fritz Arno Wagner. Découvert par maître Lang (« Les trois lumières »), il aura travaillé pour Murnau (« Nosferatu ») et Pabst (« Le journal d’une fille perdue »). Toujours sur l’ambiance, le son du métrage languien est maîtrisé à merveille. Le montage sonore de Paul Falkenberg (le monteur des « Nibelungen », c’est lui !!) prouve qu’il n’y a pas forcément besoin de musique pour rendre une ambiance oppressante ou anxiogène. Fritz Lang l’a très bien compris et se concentre sur sa mise en scène pour un rendu esthétique totalement novateur (exit l’expressionnisme, maintien d’une ambiance oppressante par sa mise en abîme des personnages, Berlin la première !).
Ensuite, comment parler de « M le maudit » sans parler des acteurs ? Car, il faut bien le dire, c’est un sans-faute du début à la fin bien que le casting soit totalement inconnu du bataillon. Mais qu’importe car l’ensemble est tellement bien dirigé que l’on suit ces péripéties dans la ville basse sans aucun problème. La composition principale, celle que l’on retient, est celle de Peter Lorre dans le rôle du meurtrier. Il s’agit de sa première apparition à l’écran et elle sera la plus marquante de sa carrière. Il est ce tueur d’abord énigmatique, puis ce meurtrier que toute la population recherche. De monstre, il passe au fauteur de trouble jusqu’à l’i*******. Une composition admirable et exceptionnelle de la part de Peter Lorre, monstrueusement dirigé par maître Lang. Un ogre de talent est né ! Par la suite, Peter Lorre tournera dans « L’homme qui en savait trop » (la version de 1933 de Sir Alfred), « Le faucon maltais », « 20 000 lieues sous les mers » de Fleischer, … . Sa dernière apparition au cinéma se fera dans « Jerry souffre-douleur » sous la houlette de Jerry Lewis. Quel acteur !
Le couronnement de « M le maudit » est bien entendu la mise en scène. Elle est splendide, novatrice donc, exceptionnelle et fait encore école aujourd’hui, 87 ans après. C’est dire !!! Tout en douceur, Fritz Lang installe une ambiance malsaine dès la séquence d’introduction qui se déroule en deux actes. Premier acte : la ronde et la chanson des enfants qui excluent un individu du groupe qui se fait ainsi la parabole de « M le maudit ». Acte second : en ombre chinoise sur un bâtiment, un homme avec un haut de forme se penchant. Sans le montrer, on devine qu’il s’agit du meurtrier qui fait tant parler de lui. Sans de mouvement de caméra, l’ambiance et les personnages sont posées. Le futur réalisateur du diptyque « Le tigre du Bengale »/« Le tombeau hindou » cadre son histoire pour nous parler responsabilité, culpabilité, justice : ses thèmes de prédilection. « M le maudit » est donc un exercice de style, une expérience sonore et un cadre fictionnel mettant en avant les aspirations de l’Allemagne des années 1930. Maître Lang appose ainsi sa signature toute particulière : tout en nuances, le cinéaste rompt avec le courant traditionnel de l’expressionisme pour mettre en valeur une expérience de sons et d’image. Lang capte ainsi nos sensations pour les pousser à l’extrême, dixit la séquence finale avec un Peter Lorre époustouflant.
Pour conclure, « M le Maudit »(1932), censuré et interdit par les nazis, chef d’œuvre du thriller et classique du cinéma par excellence, est ce film mythique de Fritz Lang qui n’a pris aucune ride avec le temps. Le meilleur du thriller par excellence, tout feu, toute flamme.
Accord parental souhaitable.
Spectateurs, aimez-vous le cinéma ?

brunodinah
8
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le 4 juil. 2019

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brunodinah

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