La civilisation a fini de s'effondrer, laissant place au chaos et à la désolation. Et l'homme a commencé à se nourrir de l'homme. Sur les routes, c'est le règne des pillards, tous prêts à s'entretuer pour un simple bidon d'essence. Max erre sur ces langues de bitume depuis des années ; les wastelands lui semblent sans fin, tout comme les vermines qui lui donnent la chasse pour ses quelques gouttes de carburant. Jusqu'à ce qu'un jour il trouve une raffinerie artisanale tenue par un groupe bien décidé à fuir cet enfer...

Au contraire de ce que croient beaucoup de gens, suite aux informations peut-être pas tout à fait erronées mais à tout le moins discutables des synopsis présentés sur la jaquette des VHS du film, l'histoire de Mad Max 2 ne se situe pas après une guerre nucléaire ; d'ailleurs, les premières minutes du film qui présentent une brève explication des événements ayant mené le monde à l'agonie ne se trouvent pas dans la version originale australienne – sans oublier que ce prologue reflète les souvenirs d'un vieillard mourant qui était encore enfant au moment où les faits qu'il décrit se sont produits, et pour autant qu'il ne déforme pas ce que lui ont dit des adultes. Tout au plus peut-on conclure que la situation décrite dans le premier film de la série a simplement dégénéré jusqu'au point de non-retour... (1)

Et c'est là que cette suite trouve sa limite en fin de compte. Après nous avoir montré comment un héros – ou plutôt un personnage principal, ce qui n'est pas tout à fait la même chose – finit par craquer jusqu'à devenir un anti-héros – ce qui se trouvait assez bien dans l'air du temps après tout – George Miller s'enlise en quelque sorte dans la redite avec ce second opus : s'il prolonge l'histoire de cet univers, il n'ajoute rien sur le plan humain – ou si peu... On y distingue malgré tout quelques ilots de raison plus ou moins anachroniques dans ce monde de brutalités et de violences devenues normes, où ne subsistent plus que les instincts les plus primaires et notamment celui de la survie – qui n'a jamais été une bonne base de récit pour commencer.

Toutefois, le succès de cette production a permis de démocratiser des idées certes plus ou moins déjà vues au cinéma mais dont l'impact sur l'inconscient collectif était resté somme toute assez mineur (2). Peut-être étaient-elles arrivées trop tôt, dans un climat peu propice à la propagation de la peur du manque de pétrole : au contraire de celles-ci, et en arrivant après les deux premiers chocs pétroliers, c'est-à-dire après que le monde ait frôlé la catastrophe deux fois, Mad Max se plaçait dans le registre du réel, ou du moins du possible ; il n'était pas que le fruit de l'imagination débridée d'artistes misanthropes et pessimistes mais bel et bien l'expression d'un avenir presque palpable...

Pourtant, Mad Max 2 ne disait rien que la science-fiction littéraire n'avait jamais dit, surtout dans les années 50 et 60 où de nombreux récits dépeignaient les conséquences d'une guerre nucléaire entre les deux grandes puissances – soit une autre forme d'apocalypse – : les survivants s'y heurtaient à des hordes de pillards sanguinaires dans les ruines d'un monde retourné à la barbarie des temps anciens. Néanmoins, Mad Max 2 parvint à rendre le post-apocalyptique crédible : à travers un cocktail bien dosé d'action motorisée, de costumes en cuir clouté et de bolides rapiécés de bric et de broc, il dépeignait un monde « d'après » furieusement tangible ; c'est le privilège des images que de pouvoir rendre plausible la folie la plus sauvage.

Voilà pourquoi, s'il n'invente rien et au lieu de ça se contente de prolonger le film qui le précède sans proposer une évolution quelconque de son « héros », Mad Max 2 reste une production plutôt intéressante en fin de compte : en dépeignant de manière réaliste un monde définitivement mort (3), il devient l'archétype d'une branche bien particulière de la science-fiction qui n'avait jusque-là jamais trouvé d'incarnation « populaire » et demeurait ainsi en quelque sorte élitiste. Trouver une idée inédite, c'est bien, mais la propager, c'est mieux – autrement, elle reste stérile et il n'y a rien de plus triste qu'une idée dépourvue de descendance.

En dépit d'un fond assez inexistant, Mad Max 2 se rattrape donc par sa forme hors du commun : d'abord objet de culte pour d'innombrables cinéphiles, il a vite touché l'inconscient collectif pour devenir la norme d'un genre jusqu'à ce moment-là assez mal connu. En sont témoins les innombrables productions qui l'ont suivi, sur la plupart des médias, en se réclamant du post-apocalyptique et en utilisant des ficelles scénaristiques et visuelles comparables.

Ce qui, pour le coup, représente une descendance bien plus qu'honorable – surtout pour une œuvre qui, au départ, n'aspirait peut-être pas à tant...

(1) toutefois, les connaisseurs se rappellent certainement que plusieurs passages du film suivant de cette trilogie mentionnent de manière explicite une guerre nucléaire : il semble donc que ce troisième opus se rende coupable d'un retcon ; à moins que l'apocalypse nucléaire ne se soit pas encore produite au moment du second film : après tout, rien ne permet d'affirmer avec certitude que le monde entier se trouve réduit à l'état de wasteland et que la région où se situe cette histoire n'est pas tout simplement une vaste zone de non-droit – un détail étaye cette hypothèse : le groupe que rencontre Max veut fuir cette région pour une autre, présentée par un des personnages comme plus accueillante, ce qui implique qu'il existe encore au moins des poches de civilisation.

(2) je pense en particulier à des productions comme Le Dernier Rivage (On the Beach ; Stanley Kramer, 1959) ou Panique année zéro (Panic in Year Zero! ; Ray Milland, 1962) mais aussi Terre brûlée (No Blade of Grass ; Cornel Wilde, 1970) ou bien New York ne répond plus (The Ultimate Warrior ; Robert Clouse, 1975) ou encore La Course à la mort de l'an 2000 (Death Race 2000 ; Paul Bartel, même année) ; on pourrait citer d'autres titres.

(3) ce qui n'était pas le cas du film précédent : en dépit de tout son pessimisme, on pouvait toujours se dire que les choses finiraient par s'arranger un jour – même si ça restait assez improbable.

Récompense :

Grand Prix du Festival international du film fantastique d'Avoriaz en 1982.
LeDinoBleu
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le 8 mai 2011

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