Si il y a bien une chose qui m'avait marqué lorsque j'avais vu pour la première fois The Raid Berandal, c'était la manière dont Gareth Evans avait monté son film pour aboutir à une dernière heure orgasmique dépourvue de temps morts. Le gallois, par son sens du rythme imparable, avait redonné ces lettres de noblesses au climax, un terme souvent mis à mal par les grosses productions actuelles. Car il ne suffit pas de faire dans le "bigger than life" pour réussir ce qui doit être l'apogée d'un film, en réalité, cela se rapprocherait même du contraire. Chose que n'a sûrement pas encore compris Marvel, c'est la proximité avec les personnages qui rendent des scènes d'actions spectaculaires, que vous fassiez flotter une ville ou en détruire une autre, le spectateur s'en battra les couilles si l'impression de danger n'est pas là, si la caméra filme le grand plutôt que le petit (l'humain).


A l'heure du concours du plus gros endettement d'une ville engendré par des destructions accidentelles (lol) d'immeubles de 140 étages sans qu'aucun homme / femme / enfant n'en meurent, voir George Miller signer son retour au cinéma live en déterrant le mythe de Max Rockatansky fut assez étonnant mais surtout salvateur dans un paysage hollywoodien désert de toutes prises de risques. Que la Warner ait accepté de filer à Miller 150 000 000 $ pour réaliser un blockbuster dont le seul décor destructible est un putain d'arbre séché relève du miracle, au même titre que le succès public et critique auxquels le film semble être promis.


Cela n'aurait sans doute pas été possible sans la promotion savamment dosée offrant son lot de slips mouillés par des bandes annonces barrées et sans temps mort. Mais cela n'est en rien équivalent à ce que le climax nous propose (oui parce que je sais pas si vous vous en souvenez mais c'est par ça que j'ai commencé ma critique avant de me perdre un peu). Pourtant, en commençant son film sur les chapeaux de roues (promis, je n'abuserai pas sur les jeux de mots), Miller prenait le risque de décevoir le spectateur par un final inférieur en intensité.


Dès l'introduction, le réalisateur australien nous sort le grand jeu par le biais d'une tentative d'évasion avortée sous acide. Miller envoie chier toute subtilité et dégomme toute concurrence en dotant sa scène d'un rythme bipolaire, tantôt accéléré, tantôt ralenti, hachurant son montage par des images hallucinatoires digne d'un bad trip au sel de bain et d'une photographie sur-saturée grillant la rétine d'un spectateur en PLS. En seulement 10 minutes, George Miller conditionne le cerveau du public déjà bien amoché quant à ce qu'il s'apprête à visionner. L'on pouvait espérer un film coup de poing, l'australien nous offre un passage à tabac furieux dont la seule accalmie se situera peu avant le grand final (dont je n'ai toujours pas parlé... Mais ça va venir).


Le passage entre la tempête et le calme se réalise non sans douleur et souffre malheureusement (et c'est bien le seul reproche que l'on pourrait émettre concernant ce Fury Road) d'une transition trop abrupte pour un spectateur dont le cerveau est tombé en panne. C'est d'autant plus dommage lorsque cette pause au sein de cette immense course-poursuite contribue à épaissir un scénario dont la plus grande force réside dans sa simplicité. Si l'histoire est au service de l'action et donc, n'a nul réel besoin de philosopher dessus, ce sont les personnages qui font la force de l'écriture en symbolisant pour chacun d'entre eux un pan d'une secte extrémiste (officiellement ou officieusement (Atchoumvatican)) dont les dogmes seraient moqués par la vénération d'un moteur V8 (ça me rappelle un truc : http://desencyclopedie.wikia.com/wiki/Pastafarisme). Que ce soit par le biais d'Immortan Joe, un être difforme et maintenu en vie de manière primitive ou un aristocrate répugnant et bouffi par son hypocrisie, tout est fait pour mettre en exergue la dangerosité d'un tel système et la passivité des puissants face à ce dernier. Dans ce monde post-apocalyptique pas si éloigné du notre, Miller réhabilite également la place de la femme réduite à enfanter et s'occuper des tâches les plus ingrates (quand je vous dis que ce n'est pas si éloigné du notre...) pour les élever au rang d'héroïnes aussi classes et fortes qu'un Max grognon parfaitement incarné par le Grand Tom Hardy. D'abord prônant la libération des femmes et leur émancipation de l'homme, Fury Road va enfoncer le clou au cours d'un climax (on y vient enfin !) où les femmes vont tenter de s'imposer face à l'homme et de prendre le pouvoir.


Avec ce final grandiose, Miller nous offre l'une des meilleures scènes d'actions de ces dernières années, assurément l'une des plus maîtrisées et couillues. Et cela ne tient qu'à un seul facteur : le réalisme.
En refusant d'user de CGI (ou le moins possible), le papy de 70 ans a renoué avec le spectateur un sentiment de proximité avec l'action. Sa caméra se ballade avec une fluidité rare entre les différents véhicules mais toujours pour se focaliser sur les personnages et leurs prouesses gestuelles. Aucun artifice ne pourra jamais remplacer la part de danger et d'improvisation dont a fait preuve l'équipe du film par amour du cinéma et par plaisir de proposer un spectacle innovant et jouissif. Car la peur et l'amusement que ressentent les acteurs et cascadeurs en constant mouvement se répercutent sur un spectateur aussi admiratif que concerné par ce qu'il voit à l'écran.
Et ce climax en est le parfait exemple.


Avec Fury Road, George Miller a su parfaitement combiner le cinéma « traditionnel » avec celui plus actuel pour offrir au spectateur un fusil à pompe chargé au C4 (c'est pas moi qui le dit mais Tom Hardy), une pépite acide et sèche en bouche dont l’efficacité provient de la simplicité et de la linéarité d'une histoire constamment ancrée dans le présent.

-Icarus-

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