Des trois premiers épisode de la saga Mad Max (79, 81, 85) le public avait retenu l'extravagance nihiliste, les propos visionnaires concernant les guerres du pétrole et de l'eau et tout un univers constitué de bric-à-brac extravagant, recouvert de pointes et d'aspérités mortelles. Puis, on entendit tout et son contraire : Mad Max premier du nom, glorifierait la violence et la furie compulsive de la société moderne, tandis que le second serait une glorification d'une Amérique conservatrice à travers la figure quasi-christique de Mad Max, le noble enragé ; le troisième épisode, qui délaissait les bolides en faveur d'une arène de techno-gladiateurs, se résument pour certains à un péplum déjanté, post-apocalyptique et franchement kitsch. Mais voilà, 30 ans plus tard, Miller revient, et ce à une époque où l'on ne compte plus les reboots, remakes et autres injures à la création et au septième art... Mad Max : allait-il s'inscrire dans cet abâtardissement généralisé ?
Premier constat, d'une importance non-négligeable, ce quatrième Mad Max ne fait pas l'effet d'un remake ou d'un reboot, mais plutôt celui d'un nouveau James Bond : sans renier son passé ni chercher à faire du neuf avec du vieux, cet épisode s'inscrit plutôt dans la continuité visuelle et morale des deux premiers - il constituera d'ailleurs comme eux avant lui une nouvelle référence du genre tant la mise en scène est brillante et maîtrisée. Le brio avec lequel l'esprit visionnaire qu'est Miller parvient à faire s'enchaîner cascades, fusillades, courses poursuites et visions dantesques est d'ailleurs d'autant plus impressionnante - ahurissant, même ! - que ce dernier ne fit appel aux fonds verts qu'en cas d'ultime recours, faisant la part belle à l'ingéniosité physique et aux risques entêtants.
Adepte des scénarios réduits à la portion congrue, la série Max Mad trouve dans son quatrième épisode un digne disciple de la philosophie de Stephen King selon laquelle une bonne histoire doit s'appuyer sur une base primaire et simpliste - avant d'être, si possible, étoffée. Ici, l'immense fuite en avant à laquelle se laisse aller Furiosa - Charlize Theron, impériale - et Max - Tom Hardy, taiseux malgré une voix remarquable - semble n'être qu'un écho à l'état "primaire" dans lequel se retrouverait invariablement une civilisation privée d'eau et/ou de pétrole. Vous en doutez? Intéressez-vous donc un peu au Sud-Soudan... Cela n'ôte pour être honnête aucun charme à la fuite vindicative des révoltés du désert, mais certains pointeront à raison la simplicité d'un "scénario en U" justifiant pourtant à merveille deux heures d'un déchaînement furieux et apocalyptique, d'une fulgurance sonore inouïe, qui réussit le tour de maître de ressusciter la saga des Mad Max et d'offrir de nouvelles pistes à creuses pour d'éventuels nouveaux opus.