Plusieurs jours après le visionnage de ce film, je ne comprends toujours pas comment il a pu être produit et arriver sur les écrans tel quel. Je n’imaginais déjà pas la saga Mad Max assez populaire pour retenir l’intérêt des studios en 2015, surtout que George Miller n’a pas l’aura et l’influence de certains de ses confrères. Mais surtout je ne comprends pas comment on a pu injecter autant d’argent dans un projet aussi jusqu’au-boutiste, déjanté, violent, graphique, premier degré… en ces temps de « Marvelerie » tiède, en constante distanciation avec son sujet et molle du genou.
Le propos de ce Fury Road est simple : étaler sur deux heures la course-poursuite dantesque du second épisode. Mais Miller n’oublie pas qu’on ne peut jeter le spectateur dans l’action sans l’y préparer, surtout que l’univers Mad Maxien a radicalement évolué. En un quart d’heure, le réalisateur contextualise son histoire et il le fait par l’image. En effet, la capture du héros dès le début du film et sa tentative de fuite sont un prétexte pour présenter au spectateur les enjeux, la situation politique, sociale et religieuse du monde dans lequel se déroule le film ainsi que les principaux protagonistes. C’est d’une efficacité redoutable et le spectateur, en plus de croire dur comme à fer à l’existence de cet univers, est chauffé à blanc par la mise en scène survoltée du réalisateur. Brillant.
Et le show peut commencer. C’est bien simple, on n’a jamais vu ça au cinéma. Ca va à toute vitesse, Miller ose des plans complètement fous et des astuces de montage qui donnent énormément de rythme. Il n’y a que deux types de plans dans Fury Road : des plans larges et des plans rapprochés sur les personnages. Les premiers nous offrent des visuels splendides et impressionnants tandis que les seconds collent aux basques des personnages et nous permettent de suivre l’action à hauteur d’homme. Evidemment Miller mélange souvent ces deux points de vue et offre des images hyper chargées et il faudra plusieurs visionnages du film pour découvrir tous les petits détails qui pullulent à l’écran. Le mec a bossé sur des films d’animation avant de retrouver le désert aride et ça se voit. La caméra se faufile, virevolte, accélère, ralentit. On sent qu’il s’est ouvert un champ des possibles et qu’il l’adapte au cinéma live. Et la sauce prend, indéniablement. Surtout qu’il est assez talentueux pour offrir un chaos maîtrisé et l’action est lisible en toutes circonstances.
Les bagnoles sont évidemment à l’honneur mais les personnages forts ne sont pas oubliés. Furiosa est impressionnante (clairement l’héroïne). Joe, le bad guy, parfaitement introduit dans le film est flippant, monstrueux. Vient alors mon seul regret : Max passe au second plan. L’idée d’en faire un benêt quasiment muet qui n’est que témoin de l’action fonctionne dans l’absolu mais le personnage immortalisé par Mel Gibson était tellement charismatique qu’on aurait aimé le retrouver. Cet écart par rapport à la trilogie initiale nous rappelle que Fury Road n’est de toute façon que la relecture d’un univers. Le nom de « Mad Max » a probablement aidé à financer le film mais le rapport avec les anciens s’arrête là. Je n’en tiendrai pas rigueur au réalisateur tant j’ai encore plein d’images en tête et l’envie de le revoir.
Mad Max Fury Road est un spectacle complet, un plaisir pour les sens, une synthèse de la carrière d’un réalisateur qui n’a rien perdu de sa verve. Un film incroyablement moderne, comme pouvaient l’être les deux premiers épisodes. Je ne sais pas si on lui confèrera la même aura que ses grands frères dans vingt ans, honnêtement j’en doute. Mais en l’état ça fera largement l’affaire pour 2015 et prouve qu’on peut encore innover et apporter un peu de folie dans le monde des blockbusters calibrés mais sans saveur.