Dès le générique, la frivolité de la musique, très jazzy, nous ramène des années en arrière, dans un Entre-deux-guerres au parfum suranné. Le décor est vite planté : un prestidigitateur de renommée internationale, Anglais se faisant passer pour un Chinois - et là, déjà on jubile, tant le décalage est surprenant! - est contacté par un de ses vieux amis ( et rivaux ) pour démasquer une supposée médium qui serait en train d'arnaquer des amis à lui. Avec, accessoirement, un mariage à la clef avec le jeune et bel héritier de la dynastie, qui assurerait à la jeune fille et à sa mère un avenir opulent. Le magicien, dont on découvre rapidement qu'il est un homme cynique, volontiers méprisant, désenchanté ( pour un magicien, ça la "fout mal", si vous me passez l'expression! ), accepte, trop content ( il a un Ego démesuré! ) de pouvoir exercer son talent à débusquer les artifices dont se servirait l'intrigante.
Le film nous transporte alors dans le Sud de la France, sur cette Riviera française aristocratique qui a fait les délices anglaises durant son âge d'or. On sourit au côté kitsch des demeures, des jardins, des courts de tennis et de la piscine, où tous rivalisent de correction, de fairplay et de glamour, notamment la jeune Sophie, incarnée par Emma Stone, délicieuse de fraîcheur et de beauté suave, et son fiancé joueur de ukulélé romanesque à souhait. Woody Allen a poussé le vice (?! ) jusqu"à filmer certaines scènes comme autrefois : le paysage semble défiler sur un écran derrière la décapotable conduite par un héros qui ne regarde pas la route! A cela s'ajoutent quelques clichés, comme le clin d'oeil au "coup de la panne", sauf qu'ici, toutes les scènes clichés sont détournées de leur fonction habituelle, le réalisateur se joue des codes, et du coup c'est amusant et intéressant. On baigne dans la guimauve parfois, mais Dieu que ça fait du bien!
Voilà notre héros bien malgré lui en train de s'enticher - que dis-je, non, de tomber amoureux, vraiment amoureux - de la douce et sensuelle jeune fille qu'il prétend clouer au pilori! Bien entendu, il est dans le déni : comment un homme comme lui, de son intelligence ( supérieure à ses congénères, cela va sans dire! ), de son rationalisme et de sa prestance pourrait-il seulement concevoir être amoureux d'une sotte prétendant communiquer avec les morts?
Et c'est là que se révèle la vraie magie du film...
Dans les dialogues, savoureux, subtils, percutants...
Dans l'affrontement entre ces deux personnalités que tout oppose... Un Colin Firth excellent dans la peau de ce personnage insupportable de suffisance, mufle au dernier degré, convaincu d'avoir la science infuse, pris au piège de l'Amour. Le vilain crapaud des contes de fée, dont on se demande s'il pourra se transformer en prince ou en citrouille, dont il a l'aigreur! Quant à Emma Stone, je l'ai déjà dit, elle est la princesse radieuse aux yeux candides dont chacun rêve, un vrai petit bonheur!
Dans le propos enfin. Car loin d'être juste une romance, dont pourtant le film a la légèreté, il pose les questions existentielles dont Woody Allen nous régale depuis toujours : Dieu existe-t-il? Quid des choses inexpliquées, qui dépassent notre entendement? Y a-t-il un au-delà? Son héros - son double - tente d'y répondre : après avoir bien failli céder à la tentation de la croyance ( ou de la crédulité ) et même de la prière, et c'est très drôle, il accumule les pieds-de-nez à la religion, aux superstitions et autres balivernes selon lui. Ce qui est passionnant, et révélateur des propres contradictions de l'auteur du film, c'est que son personnage, qui ne jure que par la réalité tangible, perceptible par nos sens, (préten)dûment scientifique, et qui combat sans cesse ce qui est irrationnel, irréel, inexpliqué, est un spécialiste de l'escamotage de la réalité! C'est extrêmement comique! Bien entendu, on s'en doute, Woody Allen ( et sa névrose! ) retombe sur ses pattes et ne renie rien de ses positions ni de ses sarcasmes habituels. Au final, Colin Firth incarne la tentation de Woody Allen d'être subjugué par la Foi, mais aussitôt ses vieilles résistances reviennent au galop ( "Chassez le naturel..." ), affichant un intellectualisme pseudo-scientifique souriant et caustique, d'une mauvaise foi flagrante.
Pour finalement conclure que ce qui transcende toute existence, lui confère grandeur et magie, c'est l'Amour.
J'ai envie de m'écrier : "Ben oui, Monsieur Allen, vous avez enfin tout compris : "Dieu est Amour"!!!"
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