Après le décevant Gone Girl de Fincher, je modérais mes attentes sur le dernier Woody Allen, auteur génial mais lui aussi assez inégal dans sa production. mais ce coup-ci je dois dire qu'il fait mouche, avec cette comédie légère et matinée de cynisme qui nous entraîne dans la relation pas toujours épanouie entre un magicien et une medium.

Stanley est le prototype même du stéréotype (hum...) . Athée convaincu, rationaliste, ennemi de la Magie et de l'Au-Delà , il nous est présenté comme le dépositaire de ce gros défaut qu'on prête aisément aux rationalistes : un pessimisme à tout épreuve. C'est un être désagréable, bourru, condescendant et ce n'est certes pas pour son sourire qu'on le convie aux soirées mondaines... La medium qu'il doit démasquer (afin de préserver la fortune d'une famille qu'elle est activement soupçonnée d'arnaquer) est tout son contraire : pétillante, chaleureuse, pleine de vie , d'espoir et d'optimisme. Tout le piquant du film vient de la confrontation pas excessivement subtile entre ces deux philosophies.

Woody Allen s'amuse avec son sujet et il a bien raison. Quiconque a vu ses films sait que Allen est lui-même profondément pessimiste et passablement cynique. Ses films peuvent être tout, sauf mièvres. par contre ils peuvent être assez cassants, et celui-ci ne fait pas exception à la règle. Les personnages sont tous assez caricaturaux car ils portent tous en eux un aspect de cette vaste discussion sur l'existence du divin ou du merveilleux. Le psychanalyste, le benêt, le sceptique, l'escroc, la convertie etc... On se régale aux dialogues pointus qui s'échafaudent autour de ces riches bourgeois (encore...) , au soleil d'une belle méditerranée. On apprécie de voir la morgue du rationaliste arrogant fondre peu à peu sous les rayons de la belle Emma Stone. C'est très léger, mais pas sans profondeur, et c'est un peu le pendant comique de son fabuleux et très sérieux "Crimes et Délits", qui abordait le même sujet sur le mode de la tragédie.

Allen est un rationaliste et s'il égratigne certes son propre avatar, il ne va pas jusqu'à rendre les armes. Après des discours sur la beauté d'un monde habité par l'Indicible, il nous emmène dans un observatoire abandonné et, ouvrant le toit du grand télescope, fait dire à ses deux tourtereaux à quel point le ciel est magnifique: la science n'est pas l'ennemie de la beauté. Nietzsche sera bien sûr convié au bal, rappelant la mort récente de Dieu mais admettant aussi que l'Illusion est aussi nécessaire et vitale que la Vérité. J'adore personnellement Allen pour ce genre de petite saillies philosophiques au milieu de l'hilarité. On notera la présence du psychanalyste (on est bien chez Allen) , dont l'analyse amusée du personnage principal n'est pas sans pertinence.

Ce n'est pas le meilleur de ses films. Le scénario est prévisible, les enjeux trop simplets, mais la chaleur qui ressort de cette comédie est de par avec celle de la " Comédie érotique d'une nuit d'été". L'idée que l'amour serait la seule Magie du monde qui importe est certes banale mais guère déplaisante et le personnage de Colin Firth (j'apprécie enfin cet acteur), victime de son austère ego, est touchant de bêtise et de maladresse face à cette irruption de l'irrationnel dans sa vie. Comme je le disais, c'est léger, touchant parfois, pertinent toujours. Une très chouette petite comédie qui vous laissera sortir le sourire au lèvres. Recommandée!!
nostromo
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Créée

le 28 oct. 2014

Modifiée

le 29 oct. 2014

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