Loin de se contenter de filmer un homme qui marche et qui souffre, d’un oeil froid et extérieur Makala réussit, dans la veine de Gerry (Gus Van Sant, 2002) à « donner la sensation de ce que c’est de marcher » comme l’explique Emmanuel Gras lui-même dans son dossier de presse. Kabwita est un personnage qui donne une leçon de persévérance et de calme, il n’est jamais filmé comme une victime, mais comme un homme qui souhaite en découdre avec son destin, un héros herculéen qui transcende les faiblesses du corps. Le film retranscrit parfaitement cette transe liée à l’effort : arrivé à un certain degré d’épuisement, on oublie son corps. La virtuosité réside dans les minuscules nuances et évolutions de l’état intérieur du personnage, le cinéaste a su capter la force et les sursauts de faiblesses, les « je respire, et j’y retourne », qui font qu’on se sent dans son corps, on sent avec lui la côte et les défauts du sol, les creux qui bloquent les roues du vélo, le sable qui fouette le visage et entre dans les narines, la sueur sur le front et le pouls qui s’accélère. Si le film nous étouffe la plupart du temps, il offre simultanément de grandes respirations. Le corps qui apparaît d’abord comme une machine programmée, laisse entrevoir la possibilité de se retrancher dans son for intérieur, à l’abri du sable, de la sueur et des muscles. Makala traite ainsi d’un sujet social avec un dispositif extrêmement poétique.


(critique complète : http://www.iletaitunefoislecinema.com/critique/7517/makala)

Kenzavannoni
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le 6 déc. 2017

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