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Mommie dearest est l’adaptation d’une autobiographie de la fille adoptive de Joan Crawford, sortie un an seulement après la mort de la comédienne, et où y était dévoilé son caractère tyrannique vis-à-vis de ses enfants.


N’ayant jamais pu accoucher elle-même, la Joan Crawford présentée dans ce film a pourtant un réel désir d’élever des enfants. Le premier bébé adopté est Christina, celle qui est à l’origine du livre, justement. Au vu du ravissement de sa mère lors de l’adoption, on se demande dès lors comment leur relation peut bien s’envenimer par la suite.
Parce qu’elle estime s’être battue pour en arriver là où elle est, Joan s’avère très exigeante envers sa progéniture. Je pense qu’elle veut bien faire, mais ne se rend pas compte à quel point elle est odieuse. Elle veut que tout soit irréprochable, aussi bien concernant la propreté du foyer que le comportement des gamins, et elle pique des colères pour n’importe quelle petite faute, sûrement car ça lui tient exagérément à cœur.
Elle manque de patience et de compréhension, ne tenant pas réellement compte du jeune âge des enfants. Il y a également son égo de star, qui fait qu’elle prend personnellement toute forme d’insubordination ; Joan Crawford n'étant plus toute jeune, elle n'a plus autant de succès qu'avant, et doute d’elle-même. Ce à quoi il faut ajouter son problème d’alcool.


Ironiquement, les enfants, Christina et Christopher, montrent plus de compassion ; soit parce qu’ils veulent faire plaisir à celle qui, après tout, est leur maman, soit à mon avis parce qu’ils ont trop peur des réprimandes.
Joan devient carrément cruelle et sombre parfois dans la pure folie ; des séquences sont particulièrement intenses, et d’autant plus tétanisantes pour le spectateur qu’on s’imagine la peur des jeunes acteurs qui doivent subir ça. En cela, la fillette qui joue Christina est impressionnante.
Si dans la réalité, Joan Crawford a adopté cinq enfants, ici il n’y en a que deux, probablement pour se concentrer sur ce nombre réduit de personnages. Et encore, Christopher est délaissé, de sorte qu’on suive essentiellement le destin de l’auteure, Christina. Une fois ado, ses expériences sentimentales sont réprimés par sa mère, qui elle multiplie les amants. Et quand Christina devient adulte, ses débuts en tant qu’actrice semblent cette fois rendre jalouse une Joan sur le déclin.


Tyrannique également envers son personnel ou quand il s’agit de gérer un business, Joan Crawford est pourtant, aux yeux de ses fans, une reine du cinéma, à l’image publique respectable. Les aperçus qu’elle donne de sa vie privée sont tout un show : anniversaire filmé, mise en scène pour les caméras, …
En plus de présenter l’actrice comme une mère horrible, Mommie dearest dresse un portrait au vitriol d’une star qui doit tout aux apparences, et se soumet à tout un tas de rituels pour être belle, aliénée par une peur de vieillir.
Un processus qui, paradoxalement, la rend monstrueuse, son masque de beauté lui donnant un look de sorcière. Et même dans le maquillage quotidien de Crawford, il y a quelque chose d’inquiétant, dans cette bouche rouge et gonflée, ces sourcils dessinés de façon presque caricaturale. On n’est pas loin d’un maquillage de clown, qui ne parvient pas malgré tout à masquer les rides en-dessous.
Faye Dunaway, elle-même sex-symbol dans sa jeunesse, à la beauté déjà un peu fanée à l’époque de Mommie dearest, devait se trouver dans une situation pas si éloignée que celle de Joan Crawford. Je trouve du coup assez audacieux que d’avoir accepté ce rôle. Au vu de la ressemblance entre les deux actrices, le choix avait pourtant dû sembler évident.
Dunaway est vraiment bien dans ce rôle, ses changements d’expressions représentent parfaitement la facticité et l’hypocrisie d’une créature du showbiz : on la voit cacher son aigreur derrière des sourires forcés, sa bouche se contorsionne avec une certaine difficulté tandis qu’elle jongle entre les émotions qu’elle veut afficher.
La performance est impressionnante, et Dunaway arrive à rendre crédibles les pétages de plombs de Joan Crawford, même si les réactions sont complètement over-the-top. L’hystérie de la star atteint de sommets qui auraient laissés incrédules le spectateur s’il avait affaire à une œuvre de fiction, et en même temps, il y a des scènes poignantes où Faye Dunaway arrive aussi à susciter de l’empathie pour les souffrances du personnage.


Même s’il y a des moments où l’on diabolise complètement Joan Crawford, je pense que l’ambivalence de sa représentation dans le film sert à restituer la complexité de la relation avec Christina… qui reste malgré tout une relation entre une mère et une fille.
Malgré toutes les horreurs que l’une fait subir à l’autre, on dirait qu’elles finissent par oublier, et d’une manière tordue, elles en viennent à se dire qu’elles s’aiment quand même.
Au vu de la conclusion, on se demande si l’une et l’autre ne sont pas dans le déni. Ca reste ambigu, et je pense que c’était la meilleure façon de traiter cette relation très particulière.

Fry3000
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le 28 nov. 2016

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Wykydtron IV

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