Man of Steel aurait parfaitement sa place dans la rétrospective "films hypes réalisés avec un iphone sur le malaise américain". Son lien incestueux avec la trilogie de Christopher Nolan (qui prend ici les rênes de la production) n'aide évidemment pas à faire de ce reboot de Superman ce qu'il devrait être, ce que tout le monde attendait; un hommage autant qu'une mise à jour, un spectacle autant qu'un conte initiatique.
A la place, le film se lance à peu près là où Prometheus ou After Earth se terminent, dans l'espace, mais pas dans l'espace 2001 l'Odyssée de l'Espace ou l'espace Solaris, non, dans l'espace carton pâte / combinaisons de latex / masques de caoutchoucs / dragons domptés / Avatar de James Cameron en veux-tu-en-voilà. Inutilement longue, cette entrée en matière nous sera non seulement imposée, mais sera en plus ré-expliquée à plusieurs reprises par la suite, parce que Man Of Steel c'est un peu comme macdo en fait, tu peux venir comme tu es à n'importe quel moment, c'est du pareil au même, tu perds pas une miette de l'histoire puisque de toute façon il n'y a pas ou presque.
Ce qu'il y a de plus intéressant, à savoir l'arrivée de Clark Kent sur Terre, la découverte de ses pouvoirs et sa relation naissante avec ses parents adoptifs, se limite à quelques flash-back avec Diane Lane qui retrousse la lèvre supérieure pour faire paysanne. On ne commentera même pas la scène de la tornade parce que non. Juste non. Du reste, on nous balance au Canada avec Amy Adams, prix Pulitzer improvisé qui escalade des montagnes de glace par moins 40 degrés avant de se faire fouetter par un stérilet volant. Et c'est de cette façon que se poursuit Man Of Steel, alternant aberrations scénaristiques et échecs esthétiques (quand ce n'est pas les deux à la fois, cf. les bébés qui naissent dans les algues), scènes d'actions à rallonge sans intérêt, traversées d'un ennui poli, ça et là un bâillement, un spasme, à vrai dire je ne suis même pas sûr de ne pas avoir rêvé le plus gros de Man Of Steel, ce qui expliquerait dans les faits bien des choses. A la louche, les références à la propagande stalinienne lors d'une des 46 scènes explicatives du film, le trip épuration ethnique façon troisième Reich (et oui, rouges, jaunes, nazis: à Hollywod, c'est tous les mêmes, connards de socialistes hein), et surtout toutes les métaphores religieuses qui crèvent le popotin, avec Nolan et Snyder qui se prennent pour Herman Melville, Superman qui s'envole dans l'espace les bras en croix tout ça tout ça. Man Of Steel pue la paranoïa pro-américaine, jusque dans les dernières scènes dans Métropolis, cette Métropolis de légende qui n'est là que pour être détruite, réminiscence des attentats du 11 septembre puissance 1000.
Et c'est aussi là que Man Of Steel atteint une autre de ses nombreuses limites. Empêtré dans un premier degré hérité du succès disproportionné de la saga Batman (ouais j'ai pas peur des caillasses allez-y) et complètement inadapté à son sujet, le scénario passe à côté de l'uchronie du comic original, Métropolis n'étant plus qu'une énième New York aux antipodes de l'océan Indien, sujette à la convoitise étrangère, son salut dépendant de la descente d'un prophète en cape rouge et à la virilité turgescente. Man Of Steel est âpre car nauséabond, grisâtre et prétentieux, là même où trois blagues tombent à plat pour laisser les rires gênés s'inviter sur les tentatives lacrymales et les dialogues exceptionnels de platitude, faussement déclamés, sans conviction, entre deux auto-citations de Snyder, assagi et broyé par l'étroite vision de Nolan: le noir absolu.