Après le formidable film qu'était Margaret, c'est peu dire que j'attendais ce qu'allait préparer Kenneth Lonergan. Pour sa troisième réalisation (en 16 ans), il s'attaque à quelque chose de peu courant au cinéma, à savoir les souvenirs. Ceux d'un homme, que joue Casey Affleck, qui le rendent assez difficile à vivre au quotidien, et qui va apprendre la disparition soudaine de son frère. Le testament de ce dernier lui demande de s'occuper de son fils, et chacun des deux, le frère et son neveu, vont devoir vivre avec ce deuil qui les trouble, à deux âges de la vie.
Soyons honnêtes ; c'est un très bon film, porté par les interprétations éblouissantes d'Affleck et de ce jeune homme qu'est Lucas Hedges, car bien qu'ils vivent la même chose, ils ne sont pas sur le même tempo. L'un rend l'autre agressif, et l'autre le rend mélancolique. Je fais exprès de tourner autour du pot, car les souvenirs qui hantent le personnage de Casey Affleck ne sont surtout pas à raconter, seulement qu'il y a Michelle Williams. Il y a quelque chose de subtil dans l'évocation des souvenirs de cet homme, ou de cet ado, qui apparaissent d'un seul coup, où l'on voit le père de ce dernier, joué par Kyle Chandler. Tout comme ça nous arrive, les souvenirs peuvent être heureux ou malheureux, au point de ressurgir sur le présent. Je parlerais de la scène du congélateur, où l'ado va en faire une crise d'angoise, et surtout, des retrouvailles entre Casey Affleck et Michelle Williams, qui est un moment magnifique sur le passé qui nous rattrape, et les regrets qu'on peut avoir. Cette scène est assez courte, mais elle est d'une puissance...
Mais, me demanderez-vous, pourquoi ce 7 ? Car je n'ai pas été autant emporté que dans Margaret, la faute peut-être à une patte parfois un peu lourde sur le pathos, comme l'utilisation de l'Adagio d'Albinoni, avec en plus un ralenti, et le personnage de Casey Affleck qui, en fin de compte, n'évolue pas tant que ça, comme claquemuré dans ce passé double en quelque sorte. C'est peut-être pour ça que le personnage joué par Lucas Hedges m'a plus intéressé, car il a une manière différente, presque abstraite, de vivre son deuil ; sortir avec deux filles à la fois, dont l'une avec qui il n'arrive jamais à coucher car ils sont interrompus tout le temps ! Quant à Michelle Williams, si elle est très bien, je trouve qu'elle porte toujours la tristesse du monde sur son visage dans ses rôles, et c'est encore le cas ici...
Il y a beaucoup de choses à dire sur le film, notamment le reste du casting (où intervient rapidement Matthew Broderick, l'acteur fétiche du réalisateur), sur cette lumière hivernale où le soleil ne semble jamais percer, comme dans le cœur de Casey Affleck qu'il ne faut pas contrarier, et on a là une réussite. Saluée comme il se doit aux Oscars et dont j'espère que Kenneth Lonergan ne mettra pas x années pour un nouveau film.