Peuchère que ça sent bon la Provence 2 !

Eh bien voilà. Dix ans ont passé. Dix ans que la vérité se tapit honteusement quelque part dans les collines, qu’elle serpente telle une inquiétante ombre dans les rues de ce village, qu’elle tente de se faire connaître dans le seul et unique café de la bourgade tant elle hante les âmes qui la peuplent. Eh oui, dix ans se sont écoulés aux Bastides Blanches, petit village fictif perdu quelque part dans la garrigue de la Provence…
L’affaire d’Ugolin a prospéré. Et la petite Manon est devenue grande. Et très belle ! Si belle qu’on ne se lasse pas de la contempler comme on contemplerait une merveille de la nature. D’ailleurs elle en est une... Et grâce à Ugolin prêt à se casser la margoulette, on a l'occasion de s'abimer les yeux de tant de beauté rien qu'en la voyant dans son… enfin dans sa… euuuuuh, je m’emballe, je m’emballe, mais ooolala non, vous n’en saurez pas plus.
Bon, mesdames, je m’excuse mais hein, comprenez : j’ai des yeux pour voir, comme tous les hommes... et comme vous mesdames (ben tiens, on ne nous la fait pas, même si en général vous êtes plus discrètes). Eh oui, on le sait, vous auriez regardé aussi si c’était un homme qui… bref. Voilà.
Où en étais-je, maintenant ? La Provence ? Pas vraiment… Euuuuh... Ah oui ! Manon. La petite Ernestine Mazurowna a cédé la place à Emmanuelle Béart. Le jeu de la jeune fille était si bon, que nous ne sommes pas dépaysés : on a bien retrouvé la petite Manon, cette jeune fille peu loquace mais au regard intense qui en dit long et qui se suffit à lui-même pour vous déshabiller. Quelle belle continuité dans la psychologie du personnage malgré les dix années passées.
Sinon quel plaisir de retrouver le Papet (formidable Yves Montand) et Ugolin (Daniel Auteuil toujours aussi stratosphérique), bien qu’on sache à présent qu’ils ne méritent pas notre sympathie, et pourtant… on n'arrive pas à les détester complètement. Voire même pas du tout. C'est tout juste si nous serions capables de remontrances... Et encore...
Ah ! mais que voulez-vous ? Le charme de la Provence est un tout : ses arômes, ses parfums, ses champs de lavandes, ses oliveraies, la beauté des paysages, la tranquillité qui vous envahit jusqu’à la sensation de bien-être, le vocabulaire, l’accent qui la berce, la simplicité de la vie, les mas en pierre qui semblent avoir une âme tant elles regorgent d’histoires et de secrets… et la musique inoubliable de Jean-Claude Petit. Oh oui quel plaisir de retrouver tout cela.
J’ignore si c’est à cause du fait de retrouver ce tout, mais "Manon des sources" est selon moi supérieur à "Jean de Florette". Peut-être devrais-je parler de bonheur… Un bonheur si grand certes provoqué par le mal d’amour d’Ugolin. Chers lecteurs et chères lectrices, "Manon des sources" nous gratifie d’une vibrante déclaration d’amour, si magnifique qu’elle pourrait être classée comme étant la huitième merveille du monde. « Je t’aime ! […] Je t’aime d’amour !!! ». Des cris désespérément sincères qui retentissent jusqu’aux creux de la vallée pour rebondir par-dessus les collines et qui vous feront hérisser le poil d’émotion, des cris dans lesquels on entend une vraie passion, mais aussi le remords et la volonté de réparer autant que possible le passé.
Ainsi que je le disais en début de mon avis à propos de "Jean de Florette", il faut comprendre le Pagnol pour proposer du Pagnol. Et pouvoir prétendre faire du Pagnol. Dans le cas présent, il faut admettre que Claude Berri a compris le Pagnol. Et il l’a si bien compris qu’on pourrait croire qu’il a écrit lui-même les œuvres. Nous savons que ce n’est pas le cas, mais remercions Claude Berri d’avoir signé des œuvres aussi proches du support de base (les romans) tout en ayant su préserver l’authenticité. Remercions aussi l’ensemble des acteurs pour avoir rendu une copie si parfaite. Les récompenses obtenues sont méritées (César du meilleur acteur pour Daniel Auteuil à l’occasion de "Jean de Florette" et César de la meilleure actrice dans un second rôle pour Emmanuelle Béart), bien qu'au vu de l'ensemble, je trouve le nombre de prix bien maigre. Il faudra se contenter des nombreuses nominations, ce qui n’est déjà pas si mal.
En attendant, ça ne change rien pour nous les spectateurs, car maintenant le diptyque est là, à portée de main. Si un jour, on a envie de soleil, il n’y a plus qu’à tendre la main, saisir les DVD, enfourner religieusement et ensuite appuyer sur le bouton play. Comme quoi, le bonheur, c’est si simple, parfois…

Stephenballade
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le 26 déc. 2019

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