Une fois de plus La Machine s’est emballée. Elle est sensée ne jamais se tromper : quoi qu’il arrive elle fournit du flouze.
Toutefois de temps en temps, elle se montre trop gourmande et va trop loin. Le problème avec une telle Machine c’est qu’elle est devenue tellement complexe que nul n’y comprend plus rien. Il arrive que quelqu’un décèle un dysfonctionnement et le signale, mais bon, tant que ça rapporte aux " Boss actionnaires ", on ferme les yeux et on continue le taff.
Pour fonctionner la Machine a besoin de têtes savantes : des ingénieurs, des doctorants venant des plus grandes écoles, centres de recherche et universités. On est tous ici parce que c’est assez plaisant de voir son compte en banque bien fourni en fin de mois. Personne n’est foncièrement mauvais mais ne vous fiez pas à votre amical voisin, c’est un vrai panier de crabes : si une opportunité se présente, personne n’hésitera pas à prendre votre place. A ce jeu là, c’est celui qui rapporte le plus qui reste.
Et peu importe le nombre d’années, la loyauté ou même la compétence, il faut toujours dégraisser. Il n’y a donc aucun scrupule à se séparer de membres de l’équipe : après tout moins de charges ça donne un bilan qui donne le sourire à la Direction.
Faire des prévisions, manipuler des chiffres sur un ordi, faire du flouze, c’est ça notre job : et on sacrément bon à cela. Comment vendre de la merde à prix d’or ? Je vais essayer de vous expliquer.
On donne des crédits immobiliers à taux variable à un maximum de péquenots, sans insister sur la notion de variabilité. Il suffit de leur vendre du rêve :
Devenez proprio ! La valeur de votre maison ne cessera de monter. Investissement garanti !
Bien sur, on reste souple sur les conditions d’attribution du crédit : une simple pièce d’identité et c’est parti !
Ça nous fait un tas de créances sans garantie béton : un bon monceau de merde quoi. On transforme ces créances en titres boursiers qu’on regroupe par bloc dont on fait certifier certains morceaux par des agences de notation. Elles se contenteront des données qu’on leur fournira sur la solidité des créances de péquenots, censées couvrir la valeur de nos titres boursiers.
Nos titres deviennent alors de première qualité, immaculés de crédibilité.
Enfin on revend grassement ces titres à des banques commerciales, des fonds d’investissements, des petites villes. Tous ceux qui recherchent un investissement rentable et sans risque.
Ah ah ! Quels bande de ploucs, grosse rentabilité et sureté en Finance ça n’a jamais existé !
Tout marchait comme sur des roulettes jusqu’au jour où les péquenots propriétaires se sont retrouvés incapables de rembourser leurs créances. Il faut reconnaitre que les taux variables les ont mis à terre : quand du jour au lendemain les 3/4 de votre salaire passent dans le remboursement d’un crédit, c’est plus tenable.
Du coup nos titres boursiers ont commencé à sacrément puer (des merdes puantes, c’est un pléonasme). La machine a abusé : trop avide elle a cumulé une tonne de ces titres, il y en a tellement que la totalité de leur valeur boursière dépasse la sienne.
Résultat, si on veut sauver la machine et nos emplois, il nous faut refiler au plus vite ces titres merdiques. Personne n’est au encore courant qu’on s’est planté. Tant pis pour les acheteurs, tant pis si on les ruine, tant pis si on provoque une crise mondiale, maintenant on est en mode survie.
Cette Machine déréglée c’est l’histoire de Margin Call qui nous fait rentrer de façon intimiste dans le monde cynique et froid de la Finance.
Il faut savoir que de telles machines ont toujours existées et se sont crashées, parmi d'autres : 1637 la Crise de la tulipe, 1929 le Jeudi noir, 2000 la Bulle internet.
Avec un casting noté triple A, une réalisation au rendez-vous et une telle thématique, vous devriez investir 1h50 de votre temps auprès de ces requins de la Finance.
Merci à PierrTwo pour m’avoir suggéré ce film : Films AntiK
Des dessins assez sympa pour comprendre le mécanisme de la crise des subprimes : Crise 2008