Valérie Lemercier revient sur les écrans avec Marie-Francine, comédie sentimentale et portrait d’une femme de cinquante ans, en pleine crise d’adolescence.


MARIE-FRANCINE est le cinquième film de Valérie Lemercier en tant que réalisatrice. Elle y interprète une cinquantenaire assez quelconque, qui se retrouve du jour au lendemain en zone sinistrée. Quittée par son mari (Denis Podalydès) qui refait sa vie avec une femme plus jeune, puis au chômage, elle se voit obligée de retourner vivre chez ses parents – évidemment, on pense aux récents Retour chez ma mère d’Éric Lavaine, ou à Aurore de Blandine Lenoir qui abordaient des thématiques assez proches. Marie-Francine s’en prend plein la poire mais accuse le coup de façon très digne.


Ce qui rend MARIE-FRANCINE particulièrement attachant, c’est la façon dont Valérie Lemercier (rencontrée à Bordeaux avec l’acteur Patrick Timsit) aborde le « réveil tardif de son héroïne, qui ne s’était pas encore confrontée à la violence de la vie». Préservée jusqu’à présent derrière la barrière de son microscope, comme observatrice de sa propre existence, Marie-Francine n’aura d’autres choix que de se coltiner à la réalité. Touchante, elle va se réapproprier sa vie, s’émanciper et s’affranchir de ces chaînes invisibles que certains parents ne peuvent s’empêcher de créer autour de leurs enfants, ne leur reconnaissant pas le plein droit de devenir des adultes. Car Marie-Francine fait sa crise d’adolescence et découvre quelle a le pouvoir de dire non, qu’elle peut choisir et ne plus laisser les autres (en l’occurrence ses parents infantilisant, ou son mari) décider à sa place.


Pourtant la transformation de Marie-Francine est loin d’être aussi brutale et poussée à l’extrême que pour les personnages d’Armelle dans Palais Royal! ou d’Aleksandra dans 100% Cachemire. L’esprit caustique et la façon outrancière de Valérie Lemercier de se moquer d’un contexte et de ses personnages ne se nichent pas dans son évolution douce. Sa marque de fabrique se retrouve plutôt dans le regard qu’elle porte sur les parents de Marie-Francine, parfaitement campés par Hélène Vincent (Le petit locataire) et Philippe Laudenbach. Tous deux s’en donnent à cœur joie dans la représentation du couple bourgeois bien sous tout rapport, avec ses secrets. Valérie Lemercier réjouit le spectateur en se moquant allègrement des vieilles habitudes relationnelles intrusives et de leurs schémas comportementaux en couple et en société. Les parents n’ont d’ailleurs pas grande estime pour leur fille, contrairement à sa sœur jumelle, Marie-Noëlle, aussi coincée qu’eux. Mais là où le bas blesse, c’est que cette sœur, sortie du chapeau, a un rôle périphérique inexploité qui n’apporte rien d’autre à MARIE-FRANCINE que le clin d’œil fait au public fan de son personnage du sketch de La Renardière. Marie-Francine


La réalisatrice dit avoir volontairement éludé la partie mélodramatique liée à l’abandon et à la reconstruction de Marie-Francine, refusant de la poser en victime. Elle évite ainsi au spectateur les clichés d’une métamorphose de grande fille toute simple qui deviendrait soudainement glamour. Elle passe aussi très vite sur les péripéties des rencontres matrimoniales. De fait, la réalisatrice a souhaité lui faire très rapidement rencontrer Miguel, qu’elle présente comme un “objet de désir ». Valérie Lemercier revendique avoir réalisé une « comédie sentimentale d’aujourd’hui », mettant en scène une histoire d’amour imprévue entre deux cinquantenaires. Elle la voulait très premier degré, comme celle que peuvent vivre deux adolescents. Mais la réalisatrice semble s’être auto-disciplinée en la recasant illico avec Miguel, et manquent à l’appel dans cette relation ; la niaque, l’énergie et la folie qui la caractérisent. Après tout, Marie-Francine ne méritait-elle pas d’expérimenter d’autres rencontres drolatiques avant d’être conquise par la simplicité, la gentillesse et les bons petits plats du bonhomme ? Si MARIE-FRANCINE dresse un portrait de femme émouvant qui vit un conte de fée un peu nunuche des temps modernes, son absence de mordant risque de déconcerter le public habituel de Valérie Lemercier, lui laissant l’impression d’avoir goûté un plat en deçà de ses promesses.


Par Sylvie-Noëlle pour Le Blog du Cinéma

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le 5 juin 2017

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