Pour son premier banc d’essai, la Britannique Josie Rourke succèdent à John Ford dans un projet ambitieux, malgré le maigre atout du décor et des costumes. Le jeu du pouvoir est remis dans un contexte historique où les premières femmes de la haute se distinguent par leur volonté de préserver la couronne. Entre Angleterre et Ecosse, deux terres sœurs, naît un conflit qui éveillera des aspects médiocres de la monarchie et de la position d’une femme dans la hiérarchie. Il aurait été difficile de concevoir un énième biopic qui n’apporte pas plus de valeur ajoutée et ce dernier essai parvient à convaincre par le biais de mises en scènes conventionnelles. Sans doute trop bavard dans son élan de bonté, l’intrigue repose toutefois sur ses femmes qui, au milieu de la masse masculine, devront s’imposer sur tous les fronts.


Marie Stuart (Saoirse Ronan) est cette jeune et vive reine dont la générosité peut être un magnifique atout pour unifier les peuples, mais qui verra bien des ennemis en profiter pour la discréditer. Les tensions démarrent lentement, sous une couverture douteuse et dans les chambres des conseils de guerre, car à l’opposé, se trouve une souveraine menaçante et menacée par les contraintes de son statut. Elizabeth I (Margo Robbie) n’est pourtant pas le genre à promouvoir les mauvais sentiments, aux détriments des mauvaises intentions. Elle est tiraillée par ses sujets qui la façonnent et qui la conditionnent comme un enfant. Et à chaque fois qu’on parle d’elle ainsi, l’écho se fait sentir plus au nord, où Marie en profitera pour alimenter son pouvoir, jusqu’à ce qu’une rupture vienne l’amputer de sa noblesse et de sa grandeur. Toutes deux vont avoir à faire à des hommes influents, mais qui restent avant tout des hommes. Chacun possède ses pêchés, mais ces derniers les accumulent au cours du périple, laissant ces femmes fortes dans une position gênante. C’est pourquoi, il est important de souligner que l’issue du drame valorisera essentiellement cette complicité, partant d’une bêtise et arrivant à une formidable stabilité politique.


Cependant, ce sera à travers cette grande rivalité qu’on aura le plaisir de décortiquer les malheurs de ces ladies, qui cherchent avant tout à survivre. L’engagement politique peut toutefois troubler, car Marie ne devrait pas être aussi investi dans le jeu de la couronne, contrairement à Elizabeth, qu’on ressent plus affaiblie et plus influençables. Cela expliquerait la complémentarité des femmes, qui partagent des lettres ou une chambre. Un réseau se crée autour d’une sororité, mise à mal par des ambitions confuses et bestiales. Et nous sommes censés envier Marie pour sa clairvoyance et ce parti-pris déséquilibre certains propos qui auraient pu donner suite à plus de pertinence. Mais au-delà de cette frontière, la trahison englobe toute la trame, laissant paraître la lâcheté comme une victoire ou bien la bonté comme une défaite.


S’offrant quelques libertés scénaristiques et en posant un cadre bien éclairé, « Marie Stuart, Reine d’Écosse » finit par s’affirmer et son discours finit par trancher dans une morale poignante. La Grande-Bretagne y est ainsi illustrée divisée par les orientations religieuses, mais également par la quête d’un trône confortable. Pas ou peu d’interaction avec les paysans auront lieu, mais on préférera suggérer les intentions, à défauts d’être frontales par moments. Le sort de la femme a toujours été incertain à une époque aussi révoltante, mais on se laisse guider grâce à des interprètes de qualité.

Cinememories
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le 21 févr. 2019

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