Un récit d'apprentissage au goût de déjà-vu et aussi maladroit que touchant.

Anne Fontaine aime à changer de genre et on ne peut lui reprocher de radoter les mêmes sujets et les mêmes thèmes. Elle nous revient ici avec l’histoire d’un jeune homme gay né dans une famille prolétaire qui va monter à Paris pour devenir comédien de théâtre. Un sujet très voisin du dernier film de Guillaume Galienne, « Maryline », mais en plus réussi, bien que « Marvin ou la belle éducation » ne soit pas exempt de défauts. Le plus flagrant est dans le regard que porte la réalisatrice sur le milieu rural et les petites gens. Il n’est pas nouveau que son cinéma est très ancré dans une certaine bourgeoisie, voire qu’elle regarde le monde de manière très parisienne. On la sent donc parfois coupé de certaines réalités. Sa vision de la famille de Marvin ressemble beaucoup à celle du Etienne Chatilliez de « La vie est un long fleuve tranquille », le seconde degré et l’humour noir en moins. Dans le rôle du père, Grégory Gadebois sauve les meubles mais menace à chaque instant de sombrer dans la caricature. Heureusement, en restant sur le fil, il sauve les meubles d’un rôle casse-gueule. Idem pour l’oppression subie par le jeune garçon au collège qui pourrait sembler excessive. Pas que cela soit improbable, on sait que dans certains milieux l’homosexualité était très mal vue - et l’est encore - mais elle a choisi d’être dans la représentation la plus excessive qui soit.


De la même manière, plutôt que de désacraliser le milieu du théâtre et celui de la bourgeoisie artistique de la capitale en nous proposant un regard neuf et moderne, elle reste dans les ornières parfois clichées de ce qu’on a déjà pu voir au cinéma sous sa forme la plus attendue. Homosexuels friqués qui parrainent de jeunes hommes ou milieu intello refermé sur lui-même semblent être encore la panacée pour une réalisatrice qui ne fait pas beaucoup avancer la vision des choses. Cependant, on prend plaisir à suivre entre passé et présent l’apprentissage de Marvin enfant et adulte dans un montage alterné pas forcément utile mais qui évite au film d’être scindé en deux parties, celle de l’enfance étant plus intéressante. Dans la partie adulte, Vincent Macaigne livre une performance notable et qui le sort un peu de ce qu’il fait d’habitude. Il joue un mentor gay tout en nuances et en fêlures qui apporte une belle sensibilité au film. D’ailleurs, s’il enfonce des portes ouvertes en montrant que l’on peut s’en sortir peu importe le milieu duquel on vient, « Marvin ou la belle éducation » nous prend quand même par les tripes et se révèle touchant. Bon nombre de séquences s’avèrent justes et mémorables. On passe sur la scène de sodomie avec Charles Berling, qui semble prendre sa revanche sur celle que lui a fait subir la cinéaste dans l’excellent « Nettoyage à sec ». Peut-être un peu long à se conclure, cette chronique d’une réussite et de la confrontation entre deux milieux que tout sépare parvient à maintenir notre attention et développe un certain charme. Pas inoubliable, Anne Fontaine ayant déjà fait bien mieux, mais recommandable.

JorikVesperhaven
6

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le 28 nov. 2017

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Rémy Fiers

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