Une grande claque esthétique et scénaristique

Conseillé par mes éclaireurs, j'ai vu ce film d'animation sans en connaitre quasiment le synopsis, à part que ça parle de dépression et que c'est du stop-motion. Quelle claque je me suis prise !


D'abord, c'est une claque esthétique, car tout est hors du commun : quasi absence de couleurs (quelques détails comme la barrette ou le pompon d'un rouge éclatants en ressortent d'autant plus), les décors de New York ou de la petite ville australienne où vit Mary sont extraordinaires, les intérieurs aussi, les personnages sont tous délirants, leurs émotions sont rendues au millimètre près.
Pour moi, cela relève du génie de faire vivre autant de choses en pâte à modeler.


Ensuite, la deuxième claque c'est l'histoire, l'originalité du scénario, qui aborde des thèmes aussi tabous que la solitude, la différence, la dépression, l'anxiété, la boulimie, l’alcoolisme, la phobie, l'autisme, l'homosexualité.


Mary et Max c'est d'abord l’histoire de deux êtres que tout oppose apparemment (l'âge, l'éloignement géographique, le sexe) et qui pourtant se ressemblent tant. C'est l'histoire d'une rencontre impossible, mais d'une amitié qui va durer des années et des années, avec ses hauts et ses bas.


Le fil d'Ariane c'est l’échange entre les êtres humains, et cet échange passe essentiellement par le courrier dans cette histoire. Le courrier surprise, avec ses cadeaux sucrés ses photos intimes, ses confidences, ses tranches de vie, le courrier qu'on nous dérobe mais qu'on récupère en douce, le courrier qu'on attend désespérément des mois voire des années durant, le courrier qui nous bouleverse, qui nous met dans tous nos états.


Les voix françaises sont au top : le grand Jean-Claude Grumberg interprète Max, Julia Vaidis-Bogard fait le voix de Mary et l'inégalable Denis Podalydès le narrateur.
La musique avec, notamment son petit air répétitif sur les scènes où évolue Mary, forme comme un leitmotiv agréable. Elle a été composée tout spécialement par Dale Cornelius.


Parlons maintenant du réalisateur Adam Eliott. Il est australien, né en 1972 (tiens, un conscrit !) et je ne suis pas étonné de savoir que son père était clown acrobate puis éleveur de crevettes (un cousin de Forest Gump ?), car il y a visiblement du génie artistique et un peu de folie dans les gènes de la famille Eliott. En parlant de gènes, il est écrit sur Wikipédia qu'Adam Elliot souffre de tremblement physiologique, une maladie héréditaire. Cela ne l'a pas empêché de filmer des heures durant ses petits personnages au millimètre près ! On comprend mieux qu'il imagine des personnages atteints de troubles et malformations divers et variés.
Il se dit influencé par l'Elephant Man de David Lynch. C'est vrai que les similitudes sont frappantes entre ces deux films : le noir et blanc, la monstruosité, la solitude, l'isolement les sentiments exacerbés, la solidarité malgré tout.
Adam Eliott a reçu l'oscar du meilleur court-métrage d'animation en 2004 pour "Harvie Krumpet", qui parle aussi de personnages atteints de troubles mentaux et de handicaps.


On ne peux s’empêcher de penser aussi à d'autres films en stop-motion, tel que "Chicken Run" ou le plus récent "Shaun le mouton". Ces deux derniers m'ont enthousiasmés, mais je mettrais "Mary et Max" au dessus, car il est d'une originalité et d'une profondeur sans pareil.


Toutes ces raisons font que je lui attribue la note très rare chez moi de 9, digne de ce chef d'oeuvre.


Alors, je remercie chaleureusement mes éclaireurs de m'avoir fait découvrir cet extraordinaire film d'animation : Aurea, Sergent Pepper, Cultural Mind, Dyothime, Vaultboy, Rawi et Voiron.
Sans eux, je serai totalement passée à côté, tant ce film n'est pas assez vanté à la hauteur de ses qualités, sans doute parce qu'on considère à tort que le film d'animation, et encore plus le stop-motion, est un sous-genre cinématographique.
Je m'insurge contre ce préjugé.


Ce film a quand même reçu le cristal du long métrage au Festival international du film d'animation d'Annecy en 2009 et le prix du meilleur long métrage d'animation, au Festival International du Film d'Animation de Stuttgart. Je m'en félicite.
J'ai hâte de découvrir maintenant "Harvie Krumpet" ...

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le 26 févr. 2016

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