Je n'ai pas réussi à mieux traduire mon ressenti que par ce titre aussi paradoxal que bref.

Mary & Max use d'un registre la plupart du temps très léger pour traiter de sujets profonds et bouleversants tels que la solitude, l'alcoolisme, la différence, le syndrome d'Asperger ou bien encore le mal-être personnel, le suicide...
C'est édifiant comme d'un premier long métrage peut émerger un coup de génie pareil.
Tour à tour drôle, parfaitement désespérant et à la fois désarmant de candeur, le film d'Adam Elliot nous ballote à travers un panel d'émotions incroyables sans jamais sombrer dans le cliché, le mélo lourdingue et facile.

L'ambiance, la lumière, la musique, jusqu'au rythme des mouvements exécutés par les petits êtres de pâte à modeler et même, assez notablement, la narration par voix off que je juge habituellement insupportable et qui se trouve ici sublimée, en adéquation totale avec le propos et les personnages : tout est au service de l'histoire et des sentiments de bout en bout, en une symphonie de couleurs et de sons parfaite, il n'y a pas d'autre mot, parfaite.

L'apparente désinvolture des personnages trahit une blessure à vif, l'un incapable d'exprimer ses émotions, l'autre dans l'acceptation totale des malheurs qui la frappent.
C'est poignant de réalisme, crispant d'inéluctabilité, réjouissant d'espoir.
Les notes enlevées de la bande-son, encore une fois magnifique, un véritable chef-d'oeuvre en elle-même, contrastent presque en permanence avec la gravité simple des mots que s'envoient ces correspondants improbables d'un bout à l'autre de la planète.

On est emmenés dans le flot de paroles qu'ils s'échangent, presque à l'excès au départ, avides de tout dire mais aussi de tout savoir, isolés et perdus dans un monde qu'ils ne comprennent, acceptent que peu, et qui les comprend, accepte peu.
On tremble à chaque interruption de l'échange épistolaire.
On partage la souffrance de ces coupures, souvent involontaires.
On vibre à chaque reprise, toujours touchante, parfois difficile.

On pleure, on pleure beaucoup mais on ne culpabilise jamais d'être triste.
On ne regrette jamais d'avoir mal.
J'aime rarement les oeuvres qui me blessent vraiment.
Celle-là ne m'a laissé qu'une immense gratitude, le bonheur de ressentir tout cela, l'agréable comme le douloureux.

Merci, Monsieur Elliot.

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le 17 août 2011

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SeigneurAo

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