Inattendu doit être le mot qui convient le mieux pour ce monument phare de Tobe Hooper, qui lança véritablement sa carrière en faisant paraître au grand jour clairement le film le plus malsain jamais tourné (à son époque, on s’est un peu rattrapé depuis 1974). Massacre à la tronçonneuse, c’est une ambiance malade, poisseuse, le ton étant donné par un générique de flashs sur des corps en décomposition, et sur la profanation de dizaines de tombes d’un cimetière. Comme on l’a déjà dit auparavant, TCM n’est pas un film gore, mais un film malsain. Si la tronçonneuse est bien là, une grande majorité des effets reste suggérée, laissant au spectateur le soin d’imaginer des détails scabreux. C’est la folie et le bricolage de la mise en scène qui fait toute l’ambiance du film, à commencer par tous les objets décorés avec des ossements (emprunté sans honte à Ed Gein, un homme qui aimait bien lui aussi les intérieurs raffinés et les abats jours en peau humaine). Il y a une véritable recherche artistique de ce côté, et c’est un gros détail qui donne un cachet d’authenticité assez convaincant au film, en lui conférant cette atmosphère morbide qui est pour beaucoup dans sa réussite. Ainsi, chaque meuble se retrouve orné d’ossements, animaux ou humains, ce qui permet déjà, bien avant de se retrouver confronté directement aux rednecks, de juger de leur état de délabrement mental. On commençait à s’en rendre compte avec la séquence de l’autostoppeur, futur chop top, adepte de la scarification et des remarques malsaines, et ça se poursuit avec la visite des vieilles maisons dont une reste habitée par une famille aux coutumes étranges, qui s’est repliée complètement sur elle-même suite à l’évolution du paysage et des mentalités américaines. Leur faillite sociale puis leur lutte pour la survie les a rabaissé à un plan véritablement monstrueux, une synthèse inhabituelle entre malsain et grotesque, qui sera exploré dans chacun des personnages, de manière individuelle. Leatherface ne dira pas un mot de tout le film, mais son comportement, son usage de la tronçonneuse et ses techniques bouchères en font une sorte de colosse, véritable force de frappe de la famille. Le père, directeur de la station service, est la personne la plus logique du groupe, c’est d’ailleurs par lui qu’on obtiendra les principales informations sur le passé de la famille. Bien que quand même gratiné, il est le seul à essayer de juguler Leatherface et son frère, qui n’en font apparemment qu’à leur tête dans leurs élans artistiques. La scène du banquet, prenant place dans une pièce dépouillé, où l’on remarque tout de suite qu’on ne doit pas manger à sa faim tous les jours, atteint un degré d’absurde malsain particulièrement marquant, où l’on découvre le grand-père de la famille, ce qui donnera lieu à une scène glauque, d’autant plus dérangeante qu’elle contient un sous texte humoristique (une victime devant être tuée par un bourreau physiquement incapable d’accomplir sa tâche). Le final, plutôt rythmé et efficace, se finira un peu abruptement, Tobe Hooper parvenant à transcender son trip glauque en nous montrant les séquelles de l’aventure sur son héroïne (un spoiler pas vraiment malhonnête, chaque opus se terminant de la même façon à l’exception du préquel) par un rire maladif alors que Leatherface exécute la danse de la tronçonneuse que nous n’oublierons jamais sur ce soleil couchant. Cordialement malsain et pas très gore au final, Massacre à la tronçonneuse n’a pas marqué les esprits pour rien (probablement parce qu'aussi malsaine que soit son ambiance, il n'est pas foncièrement écœurant, et se révèle supportable sans trop se forcer), et lance sur de bonnes bases ce qui sera l’une des saga les plus extrêmes du genre horrifique. .

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le 14 août 2014

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Voracinéphile

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