Est-ce un oiseau ? Est-ce un avion ? Est-ce Superman ?

Le cuir reste brillant, l'acrobatie spectaculaire, la pose iconique et les effets jubilatoires. Même s'il s'agit, cette fois-ci, d'un rêve à portée prémonitoire.


Comme pour dire que cette matrice, en version rechargée, reste la même... Tout en évoluant.


En évoluant loin de la lumière des décors du programme leurre. De ses petites vies inconscientes, routinières et bien rangées, des immeubles de bureaux vitrés à la l'infini, reflétant les éclats d'un soleil presque aveuglant.


Cette ville fait un pas de côté pour enfin découvrir Zion par l'image, assiégée, à la fois techno cité, refuge aux limites de l'insalubre et caverne aux allures tribales propice à la perpétuation des légendes et des prophéties, au métissage des peuples.


L'action est toujours au rendez-vous : le kung fu y est aussi virevoltant, tout en tenant de la symphonie la plus pure, de la chorégraphie la plus étudiée et millimétrée. Si Neo joue désormais à être Superman de la manière la plus explicite qui soit, ses pouvoirs ne trouveront jamais mieux à s'exprimer que dans l'affrontement.


Que ce soit dans le hall d'un château tout aussi baroque que rococo, décor somptueux tranchant avec l'esthétique d'un premier volet résolument techno, ou dans un burly brawl révolutionnaire pour l'époque et au style mainte fois copié, Keanu Reeves entérine sa réinvention en héros de film d'action. Gorgée de mouvements circulaires amples et délicieux, cette dernière séquence, survoltée, en forme de lourde baston de mêlée s'est imprimée de manière assez indélébile dans les mémoires. d'autant plus qu'elle dessine un Agent Smith en mode 2.0, sachant ménager ses effets en apparaissant accompagné de funestes corbeaux. Toujours aussi classe et cette fois-ci libéré de ses chaînes de simple programme et se dédoublant à l'infini.


Mais tout ceci semblerait presque avoir des airs d'en-cas en face du morceau de bravoure imparable du film, cette course poursuite tout simplement démentielle dans sa mise en scène, dans ses effets et la destruction qu'elle propose. Ballet virevoltant et imaginatif de personnages charismatiques, de métal, d'épées et de face à face brillants volant et guidon en main, l'échappée du freeway ne laisse littéralement aucun répit à son spectateur, qui ne peut que jubiler devant ce qu'on lui met sous les yeux.


Après avoir peut être tiqué sur le côté désinvolte de l'entreprise, symbolisé en quasi totalité par l'interprétation du Mérovingien livrée par un Lambert Wilson goguenard ; voire prétentieux, via le discours de l'Architecte.


Sauf que ces aspects qui paraîtront tout d'abord maladroits mettent en relief le message du film, causant finalement d'un Neo qui, s'il a été éveillé, ne comprend cependant pas encore sa véritable fonction. Ce serait de la même manière faire l'impasse sur le fait que les Wachowski, après avoir libéré leur héros et ouvert les yeux du public, se font un malin plaisir de le(s) réenchainer.


Car Matrix Reloaded, après avoir prospéré sur la vérité, la réalité et la liberté de la philosophie dont le premier opus se paraît, livre finalement un amer tableau de la condition humaine qui sera toujours enchaînée à ses fautes originelles, ses passions, ses petites jalousies, ses désirs perpétuellement insatisfaits, ses illusions de liberté, sa triste vanité ou sa puissance de destruction sans limite.


A moins que les frères Wachowski n'aient seulement voulu sortir le fan hardcore de sa zone de confort et disserter, via la thématique du déterminisme et du pourquoi, sur l'industrie hollywoodienne du début des années 2000, pas si éloignée, finalement, de celle que l'on dénonce aujourd'hui en continuant pourtant à lui verser l'obole ?


Matrix Reloaded était donc bel et bien le festival attendu, tout en glissant peu à peu vers d'autres horizons blockbuster en empruntant certains sentiers périlleux, reflétant parfois toute la fragilité de son sujet de prédilection : l'âme humaine.


Behind_the_Mask, en vert en contre tous.

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le 20 juin 2019

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