Le film s’ouvre sur le visage figé d’une jeune femme. Au milieu d’une gare, elle affiche des traits défaits et son regard est désespérément perdu dans le vide. Les secondes s’égrènent lentement, puis soudain les cloches résonnent et la foule explose dans une liesse indescriptible tandis que la jeune femme reste de marbre, visiblement incapable d’éprouver autre chose que cette triste apathie. Pas à sa place au milieu de cette cohue, elle court se réfugier dans une église, incapable de partager l’allégresse générale. À l’intérieur, elle se prend à contempler un tableau apocalyptique de Francis Danby, Le Déluge qui comme son nom l’indique dépeint de pauvres âmes humaines balayées par les flots. La noyade qu’elle contemple lui fait se remémorer sa propre impuissance et l’histoire de sa vie.
En commençant par la fin, Mémoires de jeunesse reprend un schéma narratif commun à de nombreux films (Memento, Fight Club, Casino entre autres). On assiste en premier lieu à la dernière scène et le reste du film se déroule sous la forme d’un flashback qui permet de comprendre de quelle manière le héros (ou l’héroïne) en est arrivée à cette situation.
Vera est une jeune adolescente aisée qui mène une vie bourgeoise dans la campagne anglaise et rêve de s’émanciper et d’étudier. Dans une société anglaise en pleine transformation, elle revendique son droit à l’éducation et désire partir étudier à Oxford au côté de son grand frère, ce à quoi ses parents finissent par consentir.
Comme dans tout bon film british qui se respecte, un jeune garçon bien éduqué et un peu timoré fait son apparition et cueille le cœur de cette jeune beauté au caractère fière et indomptable. S’ensuit une longue période de flirt agréablement mis en scène qui va soudainement s’interrompre avec le déclenchement de la Première Guerre Mondiale. La guerre, aussi inattendue que cruelle, va briser leurs destins comme de vulgaires fétus de paille.
Alicia Vikander est définitivement une actrice montante du cinéma européen. Après le magnifique Royal Affair et le fascinant Ex Machina, elle poursuit sa route avec Mémoires de jeunesse pour lequel elle a dû apprendre à parler un anglais d’époque parfait. Elle a beau livrer une partition impeccable, elle est trop esseulée et ne peut porter le film sur ses seules épaules pendant deux heures. La fraicheur communicative de l’actrice suédoise finit inévitablement pas se tarir.
En nous présentant uniquement la vision de Vera, le réalisateur sous-exploite ses seconds rôles et laisse des regrets quant à la prestation de Kit Harrington (rendu célèbre dans Game of Thrones), très bon mais qui ne bénéficie que de peu de scènes pour se mettre en valeur. Dominic West et Emily Watson ne font qu’une brève et peu convaincante apparition en tant que Mr. et Mme. Brittain.
Mémoires de jeunesse gagne en puissance à partir du moment où il abandonne cette naïve innocence et prend une tournure plus réaliste. Ce changement porte néanmoins préjudice au film. La mise en scène devient trop poignante, le scénario se veut bouleversant alors qu’il tourne plutôt au larmoyant. Et même si à l’endurance le film fini par produire l’effet désiré, les moyens employés pour l’atteindre sont tellement évidents qu’il gâche une grande partie de l’émotion qu’on a pu ressentir.
La succession de drame qui affecte Vera finissent par la détruire. Et lorsque les cloches retentissent, on en devient presque indifférent au destin tragique qu’elle a dû affronter. Trop vaste et parfois impersonnel, Mémoires de jeunesse saisit par bribes le désespoir que la guerre inflige sur l’âme humaine mais ne parvient jamais vraiment à se l’approprier malgré la prestation époustouflante d’Alicia Vikander, qui tient à elle seule le film à bout de bras.