A l'occasion des résultats de la cérémonie des Oscars, où Parasite réalisé par le cinéaste sud-coréen Bong Joon-Ho en 2019, a reçu 4 prix dont celui du meilleur long-métrage, nous allons nous intéresser au film qui lui a permis de se faire connaître sur la scène internationale c'est-à-dire Memories of Murder, sorti en 2004 en France. Ce film a eu un impact dans le domaine cinématographique, puisqu'on ressent encore son influence dans des polars d'aujourd'hui, comme Une Pluie sans Fin réalisé en 2018, où on peut deviner que le travail du chef opérateur est marqué par le style graphique de Memories of Murder.


Bong Joon-Ho est un réalisateur, scénariste, et producteur sud-coréen qui se fait remarquer dès le début de ses études cinématographiques, puisqu'il a réussi à se faire repérer par de nombreux festivals cinématographiques pour ses court-métrages. Son premier long-métrage, Barking Dog sorti en 2000 lui permet de s'imposer dans le système de production sud-coréen, mais Memories of Murder est celui qui va le propulser au delà de son pays, grâce à son succès commercial et critique. Bong Joon-Ho continue en seulement quelques films, à instaurer son statut de cinéaste avec The Host, film de monstre présenté au Festival de Cannes, et Snowpiercer qui lui permet de s'infiltrer dans la production américaine. D'ailleurs, Bong Joon-Ho a réussi avec Parasite à obtenir à la fois la palme d'Or au Festival de Cannes, et le prix du meilleur film aux Oscars.


*Memories of Murder* est un polar, racontant l'histoire de deux policiers en 1986, qui possèdent des méthodes différentes, et doivent collaborer pour arrêter un meurtrier. Or, Bong Joon-Ho s'inspire de faits réels, puisqu'en 1986 et en 1991, un tueur en série a assassiné 10 femmes à Hwalong. Les meurtres n'ont été résolu qu'en octobre 2019, où le suspect principal, dont l'ADN correspond à celui retrouvé sur un des sous vêtements d'une des victimes, a avoué avoir réalisé les homicides.

On comprend ainsi, que Bong Joon-Ho souhaite réaliser une traque, et ne nous offre pas un simple polar, puisque l'ouverture du film paraît dans un premier temps comme agréable par la présence des enfants dans les champs, mais la découverte du cadavre change le ton et la lumière du long-métrage, devenant sombre et crasseuse. Or l'utilisation des enfants ressemble au même procédé que Fritz Lang dans M Le Maudit réalisé en 1931, puisque le cinéaste allemand ouvre son film par le chant d'une comptine d'enfant, qui dénote du ton du reste du long-métrage. D'ailleurs, les enfants sont utilisés comme des juges par Bong Joon-Ho, puisqu'ils montrent, sans le vouloir, certains aspects des personnages, en insistant sur leurs défauts les plus apparents par l'imitation.


D'un autre côté, le lieu de l'intrigue permet de dépeindre le retard technologique de la Corée du Sud dans les méthodes d'investigations. Bong Joon-Ho utilise comme à son habitude, un humour noir, puisque les inspecteurs de campagnes ne sont pas capables de laisser en état une scène de crime, ou même torturent des inconnues qui n'ont rien à voir avec les meurtres.


Ainsi, le réalisateur sud-coréen effectue un mélange de tons au travers de l'inspecteur de campagne, interprété par Song Kang-Ho, acteur fétiche du cinéaste présent dans quatre long-métrages avec ce dernier. Bong Joon-Ho n'hésite pas à montrer l'horreur des scènes de meurtres, et l'aspect sombre de la nature humaine, mais le combine avec des séquences burlesques, menées par la maladresse, la malhonnêteté et la stupidité des inspecteurs. Par exemple, un d'entre eux va chercher un pubis imberbe c'est-à-dire démunie de poil, qui est selon lui un indice essentiel pour découvrir l'identité du meurtrier. Evidemment, le long-métrage possède une connotation tragique, lorsque le jeune inspecteur, venu de Séoul, joué par Kim Sang-kyeong, découvre le corps d'une collégienne. Cette découverte est accentuée par la mise en scène du réalisateur.


En plus de la comédie et de la tragédie, Bong Joon-Ho rajoute le fantastique, puisqu'il nous offre l'impression que le meurtrier est un fantôme, étant donné qu'on ne voit jamais son visage, qui est rendu invisible par la pluie et la nuit. De plus, les investigateurs ne trouvent rien, permettant de déterminer l'identité du meurtrier, ce qui contribue à l'abandon et le désespoir des personnages principaux.


Par exemple, les rôles des deux inspecteurs s'échangent, puisque celui qui est respectueux envers les règles acquises à Séoul, est prêt à tuer quelqu'un en pensant avec détermination qu'il est le coupable, alors que celui qui nous est présenté comme malhonnête en trafiquant des preuves, finit par stopper l'autre en découvrant les analyses ADN, certifiant que le suspect principal n'est pas lié au meurtre. Le résultat ADN est un dernier coup de poignard aux personnages principaux, accentuant l'aspect défaitiste du long-métrage.


Pour conclure, *Memories of Murder* est un film important pour Bong Joon-Ho, puisqu'il lui a permis de se révéler et de devenir un réalisateur incontournable dans le monde du cinéma, car il a renouvelé le genre du polar en offrant un récit, non pas concentré sur la réussite de l'enquête, mais sur l'humanisation des personnages. Cela semble compréhensible, par le fait qu'il fait partie des réalisateurs coups de poings de la Corée du Sud, puisque la même année que la sortie du film de Bong Joon-Ho, nous avons pu avoir au cinéma *Old Boy* de Park Chan Wook, et *Deux Sœurs* de Kim Jee-Woon, qui sont des long-métrages extrêmement violents tant par le visuel que l'écriture, décrivant la nature humaine comme sombre et implacable. 

D'ailleurs, la violence de l'écriture chez Bong Joon-Ho se fait par le visuel, puisque le dernier plan du film nous montre l'inspecteur de campagne dans le champ du début du long-métrage, regardant avec insistance la caméra, jugeant sans doute le tueur.


Dans une interview, Bong Joon-Ho a avoué être terrifié par la réalisation du film, puisque le meurtrier n'a été retrouvé que l'année dernière, et pouvait en 2004 voir le long-métrage au cinéma. De plus, le réalisateur a justifié le titre, en disant que le meurtrier risquait de se souvenir des crimes qu'il avait commis.


  Rédigé le 11/04/2020
CinéphileduCoin
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Créée

le 27 juil. 2021

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