De Bong Joon-Ho je ne connaissais que "The snowpiercer", délaissant le très estimé "The host" sans raisons particulieres. Il fait simplement parti de ma liste "Je dois le voir mais ça ne se fera pas avant dix ans parce que je le repousse continuellement", parait qu'on en a tous une.
Avec "Memories of murder" j'ai rapidement pensé devoir m'accomoder d'un système classique du flic limite incompétent, violent et imbu de sa personne, face à l'inspecteur civilisé, rompu aux méthodes scientifiques et aux psychopathes. Pourtant, rapidement, j'ai réalisé mon erreur. Plus subtil, Joon-Ho offre une histoire aux ramifications multiples, jetant ici et là des éléments qui s'imbriquent dont certains par hasards, d'autres qui se contredisent, le tout dans un monde où rien n'est simple, qui confrontent ses personnages à ce qu'ils sont et les poussent à puiser au fond d'eux mêmes, jusqu'à se remettre en question et changer en conséquence.
Du policier enfermé dans son cycle de violence va naitre l'intégrité et le désir de vérité. Souligné par une touchante scène fnale, cette affaire le hantera longtemps après qu'il soit passé à autre chose. Avancer, évoluer et fonder une famille n'effacerea jamais de sa mémoire ce moment charnière de sa vie qui l'a vu se retrouver seul face à lui même. À l'opposé, du policier certain de ses méthodes, de ses convictions et de ses capacités , il ne restera pas grand chose suite à son face à face avec l'échec. Une impuissance qui le poussera doucement à perdre pied.
Au sein d'une Corée en pleine mutation, qui se cherche à tout les niveux et se perd autant qu'elle se trouve , le réalisateur ancre son récit dans une partie reculée du pays. Village campagnard typique, il nous dépeint le quotidien de policiers brutaux confrontés à des événements qui les dépassent, eux et leurs maigres moyens, plus intéressés par leur photos en une du canard local que par l'arrestation du véritable coupable. Capable de passer à tabac un simple suspect puis de partager un bol de nouilles avec lui une fois le moment passé, nul n'ignore leurs pratiques et ne leur montre donc que peu de respect (en témoigne les hallucinantes scènes de crimes piétinnées par tout le monde sans même qu'aucun policier ne réussisse, ni ne se donne réellement la peine, à garder les lieux invioles.)
Ainsi, loin d'être un simple polar, une enquêtes de policiers aux méthodes expéditives et aux moyens limités, le film prend une toute autre ampleur jusqu'à devenir les chroniques d'un pays en pleine mutation. Journal pas si intime d'une nation bouleversée sur le point de s'eveiller, "Memories of murder" , d'un ton desabusé, tend dans son fond comme dans sa forme à livrer aux yeux de tous la nécessité, et les difficultés que cela implique, de changer et d'évoluer avec le monde qui nous entoure.