Vous cherchiez l'extraordinaire, il était l'ordinaire.

Toutes personnes ordinaires rêvent peut-être par moment de réaliser des choses remarquables, visibles, extraordinaires. Qu'elles soient tout à fait louables ou totalement abjects. Se faire remarquer peut-être un idéal.
Que l'on soit tueur en série ou policier, l'envie de se faire remarquer peut prendre le pas sur la réalité. Les flics peuvent par exemple tomber dans une concurrence malsaine pour savoir qui l'attrapera le premier, le tueur peut tomber dans la magnificence ou la facilité.


Memories of Murder, est, de ma courte expérience en cinéma coréen, un policier hors norme, un thriller hors du commun et un drame incomparable. Au delà de toute comparaison il se place, sur l’Himalaya du thriller, au somment en compagnie des quelques Seven et autres bijoux.
Pourtant...rien ici ne transparait le sanglant ou le violent, rien ne transpire le voyeurisme ou le spectaculaire. Tout n'est que subtilité, perte de sens, recherche, traque ou réflexion. Dans un film d'une dureté avouée, l'humour et l'absurde trouvent une place inattendue et savoureuse (notamment quand il s'agit du troisième policier apte à sauter à la tête des coupables). Sous la houlette d'un duo formidable de flics (Song Kang-Ho et Kim Sang-Kyung, les deux sont formidables, pas besoin d'en dire plus), Memories of Murder déroule toute une enquête, de son départ, jusqu'à sa non-résolution.


Le point central est vraiment l'enquête et surtout les hommes dans l'enquête. On n'est plus seulement sur l'ambiance si chère à Fincher, mais sur les hommes, leurs profils, leurs actions, leurs vécus, leurs émotions, leurs psychologies. Ce thriller est humain du début à la fin. Il déroule une vraie humanité, une vraie mutation aussi, le flic maladroit et violent devient le médiateur quand l'enquêteur de Séoul laisse ses tripes et son besoin de savoir dépasser sa seule réalité. La puissance émotionnelle est inouïe tout au long du film. Car jamais, non jamais, nous n'avons la moindre once de sureté quand il s'agit de se dire "c'est lui". Il y a toujours un truc qui cloche : lui est un peu benêt, l'autre trop parfait, l'autre encore trop pervers/tordu...alors que finalement c'est juste un gars ordinaire, celui que vous croisez tous les jours et que vous ne remarquez pas. C'est un autre modèle que vous qui devient remarquable d'une manière différente, abjecte, violente et détestable.


Un modèle ordinaire de criminel qui coupe totalement avec le profil type du serial killer du cinéma à qui l'on trouve toujours un côté "particulier". Celui-là est ordinaire, ce qui rend sa traque plus difficile, quasi impossible, comment le remarquer ? Comment savoir que c'est lui alors que l'on cherche quelque chose en particulier ? C'est toute la leçon de Memories of Murder, c'est toute la claque que l'on prend lorsque le flic revient sur les lieux du crime en espérant trouver (peut-être) un indice, quelque chose...Et qu'il croise cette jeune fille qui le met au devant de toute son incompétence : vous étiez toujours à côté de lui mais vous n'avez jamais été proche de le trouver car il était tout le monde. Et personne ne doute de tout le monde.


Mettez tout ça dans une réalisation plus que méticuleuse, enrobez cela d'une bande musicale en tout point poétique et envoutante et vous aurez certainement l'un des thrillers le plus magistral du cinéma. Un policier qui dépasse les simples frontières coréennes, il est l'exemple de ce qui était, est et sera la quintessence du thriller et du policier. Pas seulement puissant, ce drame (décidément, thriller, policier ou drame...) dégage une ambiance, un humour désopilant et une tension telle qu'il est sans conteste un objet unique. Enfin un film qui fait la part belle à l'enquête en se centrant sur les policiers, le pari est réussi, la réalisation est parfaite, le casting est immense, le résultat est doublement immense. Forcément, Memories of Murder est un chef d'oeuvre.

Halifax

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