Mesrine, ou Mérine suivant la prononciation dont on se contrefoutait à l'époque, est une preuve absolue de l'incapacité des réalisateurs français à produire des polars comme ils en avaient jadis le secret. Richet ou Olivier Marchal font un peu honte non ? On a eu Verneuil, Corneau, et surtout Melville et on se coltine des bras cassés à qui on confierait pas la réalisation d'un épisode des Experts Las Vegas.


Et on a rien d'autre à proposer que ce truc qui non seulement snobe le riche héritage tricolore pour préférer s'inspirer du pas top et over violent ricain. Car on n'échange pas Melville pour du Scorsese là. Loin de là même.


Avec armes et violence.


La première chose qui saute aux yeux est le jeu une fois de plus azimuté de Cassel. J'ai l'impression qu'il n'a pas bien compris qui était Mesrine (ou Mérine les ayants droits ne sont pas clairs). Il refait la même prestation que dans Doberman sauf qu'il s'est collé des moustaches, il est plutôt convainquant dans les scènes de violence mais il passe à coté des situations légères ou des choses plus nuancées. Il parle avec une voix vaguement Bashungienne et fait les gros yeux (personnage habité comme Al Pacino dans Scarface oblige...).


Mesrine était un gangster français à l'ancienne, un type complètement mégalo, un peu marlou avec une moustache et une gitane maïs au coin du bec. Il ressemblait un peu à l'un de mes entraîneurs de foot quand j'étais en pupille. Le genre rigolard, avec la voix qui porte, le survet' addidas en polyamide et les cheveux gras. Avec sa moustache qui flottait par tous les vents, il débitait vannes de cul sur blagues racistes avec un débit de mitraillette. Alors oui il était pas un gangster, mais c'était un peu le même type de mec, avec des allures de coq, du genre à effrayer les putes en tirant un coup de feu en l'air.


Bref, Mesrine c'était un "malfaisant" pour reprendre l'euphémisme d'Audiard, qui pouvait refroidir sans état d'âme un type s'il avait le malheur de se mettre en travers de son chemin. Michel Ardouin, dit "le porte avion" relativise la grandeur du personnage et donc aussi un peu le traitement du film.


Le coté français & blagueur du personnage a été totalement occulté car il aurait cassé le "mythe". L'instinct de Mort est donc juste un biopic à la gloire de Mérine, (euh Mesrine pardon je m'y perds), mais un truc à l'américaine. Richet a plus en tête Michael Mann, ou Scarface que José Giovanni. Du coup on en fait une sorte de séducteur à l’œil noir qui emballe une espagnole façon De Niro dans Heat et attaque les casinos comme dans Tueur nés.


Casselmania


Le principal problème est donc Cassel qui ne correspond pas au rôle. Il a des valoches énormes sous les yeux qui lui donnent un vague regard de calamar trisomique. Il est encore plus inquiétant et malsain que le vrai Mesrine en fait. L'acteur qui aurait été parfait pour le rôle c'est le Victor Lanoux des années 70. Période "Un éléphant ça trompe énormément". Lui il avait les deux facettes, le coté mauvais garçon mais avec qui on peut rigoler bêtement. Cassel fait pas Mesrine, il campe simplement une caillera de base. C'est finalement le seul registre où il a excellé un jour. Très bon dans la Haine, il est oscille entre le correct (L'appartement ), le nanar (Fleuve noir, Pacte des loups, Doberman,, les Rivières pourpres etc...) et le WTF total (Sheitan, Sa majesté Minor). Un acteur très peu fiable, surtout quand il est pas canalisé par ses réalisateurs.


La mise en scène de Richet, déjà responsable de Ma 6T va cracker, est un peu anonyme. N'importe quel film bas de gamme américain a plus de finesse dans les scènes de gunfights. L'histoire de Mesrine est suffisamment dingue sans qu'il soit besoin d'en rajouter. Enfin normalement... parce qu'il y a de sacrées longueurs dans les deux films et un seul objet de 2h30 aurait été plus judicieux ou moins douloureux pour le spectateur que de faire 2 longs machins poseurs comme ça.


En comparaison Doberman de Jan Kounen était certes raté, mais avait au moins le mérite d'être rigolo, et d'assumer sa connerie. Tcheky Karyo avait des dialogues ridicules, Monica Bellucci était en cuir moulant, et y avait une audace en flirt constant avec un mauvais goût conscient. Dans l'Instinct de mort, ça se prend très au sérieux.


Assayas avait rencontré le même problème avec Carlos (outre le fait qu'il collabore avec Dan Franck pour écrire un scénario). Les mecs sont sous le charme de leur propre sujet, ils veulent en faire un truc badass, mais même les gros caïds ont un côté grotesque. Les américains plus rompus dans le maniement de ce sujet n'hésitent pas à malmener leur personnage. Les réalisateurs français ont ce respect excessif envers les mauvais garçons, remplis par une fascination bizarre, c'est leur désir de réhabilitation qui prend le pas sur la distanciation, et ça accouche de ce genre déclaration d'amour ridicule à peine déguisée.

Negreanu
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le 31 oct. 2019

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Negreanu

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