Metropolis
8.1
Metropolis

Film de Fritz Lang (1927)

"Dans les villes de l'an 2000, la vie sera bien plus facile"

Je ne suis pas une grande cinéphile, je ne connais rien au cinéma allemand, et les films muets me laissent très généralement de marbre. Aussi, n'espérez pas trouver ici une quelconque lumière sur le chef d'oeuvre qu'est le grand Metropolis de Fritz Lang. Lecteurs avides de connaissances et d'anecdotes, passez votre chemin.
Toutefois, j'aime écrire, quand l'ennui se fait sentir, quand la solitude montre le bout de son nez, ou quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle (15 centimes à celui qui reconnaîtra la référence). Et ce samedi 14 novembre, passé loin de Paris, loin de France, est une journée qui se prête plutôt bien à la déprime. L'écriture sert alors de bouclier contre la morosité.
C'est pas d'la critique, ça, me direz-vous. Tout juste une chronique misérable qui ne mériterait même pas d'être publiée sur Internet (même sur Internet, diantre ! On y trouve pourtant les pires déchets, sur cette « toile » où liberté d'expression rime souvent avec médiocrité et manque d'invention).
Passer du coq à l'âne, passe encore, mais ne pas traiter du tout du sujet... c'est osé, non ?


Bon, ça va, d'accord.




Metropolis. Un terme qui nous vient du grec : mêtrópolis, metro pour mère, polis pour cité. La ville-mère, donc.
Metropolis est le nom donné à une cité gigantesque, véritable mégapole futuriste, où le monde est divisé en deux catégories, dans un antagonisme caricatural à faire palir de jalousie Karl Marx (vous savez, le gentil barbu qui est plus ou moins à l'origine du communisme?). D'une part, dans la « ville haute », il y a la classe dirigeante. Oisive, paresseuse, ivre de loisirs et de divertissements, on la reconnaît à son accoutrement blanc, immaculé. Les intellectuels ne se salissent pas les mains, coulant des jours heureux et jouissant gaiement de ce que leur offre la vie, opéras, musique, activités sportives en tous genres. D'autre part, on nous présente une classe ouvrière semblable à une horde de robots. Ces gens-là, pauvres hères habitant dans la « ville basse», vivent à peine. Leurs vêtements sombres et souillés sont le symbole de leur dur labeur. Ils se déplacent à la manière de machines, dérangeant l'esprit du spectateur qui voit se dérouler sous ses yeux un spectacle effroyable d'esclaves.
A la manière de machines, oui. Ils ne sont pourtant que les rouages d'une machine plus grande : la « machine M », véritable cœur de la ville, qui permet de faire fonctionner celle-ci.


Telle est la situation depuis des années.


Jusqu'au jour où Freder, le fils du dirigeant de Metropolis, tombe éperdument amoureux d'une femme de la ville basse. Quand pour la première fois ses yeux se posent sur la belle Maria, entourée d'enfants des bas fonds de la cité, toute nimbée d'une pureté divine, et élevant la voix pour exiger l'égalité, et la fraternité (« Ce sont vos frères ! », crie-t-elle au peuple des Bienheureux), le coup de foudre est immédiat. Il en oublie même l'autre fille qu'il tient dans ses bras et avec laquelle il batifolait deux secondes plus tôt, le drôle ! Lorsqu'il se rend par hasard dans les « Profondeurs » – petit surnom dont est affublée la « ville basse », qui n'est pas sans évoquer un gouffre infernal – Freder réalise l'horreur des conditions des travailleurs asservis et semble bien déterminé à retourner voir papa pour lui demander des explications, et pourquoi pas, faire bouger les choses.


Mais voilà. Là où on s'attend à ce que le couple Freder/Maria agisse pour libérer les travailleurs et rétablir un équilibre entre les classes, les valeurs défendues par le film sont loin d'être aussi sympathiques. Le communisme, qu'il fasse sourire ou couler de l'encre, est une idéologie qui m'est toujours apparue comme une forme d'humanisme quelquefois poussé, il est vrai, à l'extrême. Maria, cependant, n'incite pas à la lutte des classes ou à une libération du peuple opprimé, mais bien plutôt à une alliance pacifique avec la classe dirigeante. Je ne sais pas pour les autres, mais je trouve ça un peu tiédasse et gentil.


Pour le reste, j'ai été absolument fascinée. Fascination pour les grandes machines, l'industrialité de la cité imaginée, l'immensité, la démesure de la ville aux mille gratte-ciels qui grouille de vie, et qui grouille de misère, également, à l'instar de nombreuses mégapoles. S'il fallait parler philosophie, là, maintenant, j'en appellerais au sentiment du sublime évoqué par Kant dans la Critique de la Faculté de juger. Metropolis est sublime, dans le sens où sa grandeur nous dépasse, nous submerge, et excède notre entendement. L'esthétisme du film est selon moi ce qui en constitue la qualité la plus remarquable.


Je n'ai pas tellement d'inspiration pour une conclusion, et j'imagine que si je faisais l'effort d'en faire une, elle retomberait comme un soufflé. Je vais donc procéder à une liste rapide des plus et des moins du film.


Les plus :



  • l'esthétique du mouvement, omniprésente et symbolique de cette ville qui ne s'arrête jamais, sans cesse en animation. Et l'esthétique du film tout court, la qualité des plans, l'enthousiasmante représentation de la cité géante

  • la structure du film, en trois actes

  • le pantalon de Freder et sa coiffure


Les moins :



  • le jeu caricatural de Freder, des travailleurs robotisés, semblables à des machines. L'effet est voulu, mais il reste perturbant. Et celui de Maria en robot... Dérangeant, ce qu'elle fait avec ses yeux, avec son corps. Film muet ou pas, nul besoin de surjouer à ce point.

  • la bande originale, composée par Gottfried Huppertz, inspirée de Wagner, Strauss... Bien que superbement exécutée, la musique dessert le film à cause de sa rigidité symphonique.

  • les scènes en accéléré

Appleblu
9
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le 14 nov. 2015

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Appleblu

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