Mike est un garçon simple.
Ce qu'il aime dans la vie, ce sont les voitures, les motos, les avions : tout ce qui s'apparente à l'errance et l'évasion en somme. Et lorsqu'il veut quelque chose, il s'en empare. Là, tout de suite. Alors certes il vole des voitures, mais il ne manque jamais de les ramener à ses propriétaires le soir venu : seul importe pour lui ce qu'il peut tirer de l'instant présent; l'avenir attendra. Au fond, Mike n'est pas un mauvais garçon, bien au contraire. Mais il semblerait que l'insouciance soit un luxe qui se paie cher.

Personnellement, j'ai trouvé qu'il y avait quelque chose de profondément touchant dans les personnages présentés par Lars Blumers. Cette bande de jeunes, très peu éduqués et éprouvant un désintérêt manifeste pour l'Art qui, lorsqu'ils préméditent leur braquage, peaufinent le moindre détail pour conférer à leur acte un certain éclat. Ce protagoniste notamment, sensible à la fragilité et la pureté angélique d'une jeune Christa Théret éblouissante (encore une fois), qui pour la séduire l'emmène faire un tour en Porsche à travers les paysages grandioses de la Suisse ou encore sur un aéroport, sentir la puissance des avions qui décollent au-dessus d'eux. Quelque part, Mike est un poète des temps modernes. Il ressent les choses par intuition, il est innocent par nature.

D'ailleurs, lorsqu'ils comparaissent devant la justice pour répondre de leurs actes, le juge les ridiculise devant l’audience en les traitant d'«ânes». Ce qui finalement, sera la seule chose qui marquera vraiment Mike, dérouté face à une telle hostilité. Mais qui sont-ils vraiment, les ânes ? C'est vrai que la tentative était naïve et perdue d'avance, mais on est en droit de se poser la question. Sont-ce ceux qui préfèrent vivre les choses intuitivement, comme elles devraient l'être, en tentant de se créer des brèches et profitant des failles d'un système avilissant, ou ceux qui se résignent docilement, à tout un tas de règles et autres formalités en acceptant de transformer leur quotidien en parcours du combattant ?

Malheureusement, on constate bien vite que notre héros est rattrapé par la réalité, et l'étau se resserre insidieusement autour de lui au fur et à mesure qu'il avance dans la vie. De gros nuages gris s'amoncellent et viennent assombrir l'horizon, et alors que la pluie s'abat et finit de brouiller ses perspectives, c'est déjà la fin. De toute façon, il était arrivé dans un cul de sac, il ne pouvait plus s'en sortir ("la seule solution c'était mourir"). Mais on peut aussi y voir un réel message d'espoir, en se disant que peut être n'aura-t-il jamais réussi à s'intégrer, mais au moins il n'aura pas abdiqué et perdu sa belle liberté. Au fond, il n'était juste pas fait pour cette vie, comme il l'explique lui-même presque en s'excusant : «en fait, je n'ai jamais vraiment compris ce qu'on a le droit de faire ou de ne pas faire».

Un beau film sur la dureté de la réalité pour les «inaptes» donc, ceux qui savent sentir avec énergie et vivre l'instant, mais sont incapables de comprendre les limites d'une société. Un film qui, malgré son humour et un décalage constant, demeure sombre et pessimiste; d'autant plus qu'il nous laisse miroiter au départ que la vie est légère, futile, et que Mike saura toujours se trouver des brèches pour échapper au quotidien.
Ce que j'ai particulièrement aimé en outre, c'est que Lars Blumers ne pose jamais de jugement; il ne s'adonne pas à une critique sociétale ou une quelconque dénonciation du système : «Mike» est un film simple, humain, qui se vit de l'intérieur et adopte parfaitement ce que pourrait être le point de vue de son jeune héros au surnom désuet.

Mais alors une seule question subsiste : pourquoi avoir choisi de situer l'histoire en Alsace ?! Symbolise-t-elle toute la quintessence de ce que la France peut offrir en termes de manque de perspectives ?
Oh, ça me déprime...
(Vous fatiguez pas, j'ai bien compris la notion de «frontières» etc... Mais quand même.)
MlleNana
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le 21 mars 2014

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Mlle_Nana

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