Millennium Actress
7.6
Millennium Actress

Long-métrage d'animation de Satoshi Kon (2001)

Après l’énigmatique Perfect Blue, la torture psychologique qu’il inflige et le mystère qu’il suscite, Satoshi Kon change brutalement de registre. Millennium Actress est loin d’être le film le plus connu de sa (hélas) courte filmographie, mais, pourtant, vous auriez beaucoup à y perdre en négligeant ce second long-métrage du réalisateur japonais.


De manière très simpliste et brute, Millennium Actress nous fait rencontrer une vieille actrice, ancienne gloire du cinéma japonais, interviewée par deux hommes : un journaliste et un cadreur. Le premier donne une clef à l’actrice et, comme un symbole, elle s’ouvre en leur racontant sa vie et ce que cette clef signifie pour elle. Nous voici donc tout droit conduits vers un flashback d’une heure qui reviendra sur les grandes étapes de la vie de Chiyoko, cette vieille femme, auparavant adulée et aujourd’hui oubliée de tous. Un flashback qui pourrait être très simple, classique, suivant une trame linéaire. Mais ce serait mal connaître Satoshi Kon.


Le cinéaste japonais ne va pas chercher, ici, à nous raconter des souvenirs. Il va nous les faire vivre. Il intègre volontairement le journaliste et le cadreur dans les souvenirs de Chiyoko, comme s’ils étaient une projection du spectateur dans ces souvenirs. En brisant les barrières temporelles et spatiales, Satoshi Kon donne vie à ces souvenirs, ils ne sont plus juste figés, ils communiquent directement avec nous. Nous participons à des films de samouraï, dont on reconnaîtra notamment des références évidentes au Château de l’Araignée de Kurosawa, à des films de kaiju, nous assisterons aussi à l’horreur et au désastre de la guerre… Chiyoko devient la mémoire vivante du Japon du XXe siècle, et le cinéma devient, ici, l’un des principaux convoyeurs de cette mémoire.


Car Millennium Actress est un véritable hommage au cinéma, cet art qui nous touche au plus profond de nous et qui est capable de nous faire vivre des choses extraordinaires. C’est un art qui agit comme un fournisseur de témoignages vivants d’une culture, d’une époque, d’hommes et de femmes qui ont fait l’histoire. C’est l’impression sur pellicule de la vie, cette même vie que Chikoyo a vécue pendant de longues années, poursuivant une quête inlassable, celle de l’ouverture de la porte de l’amour et du bonheur grâce à cette clef offerte par un homme mystérieux. A travers l’histoire de Chikoyo, le spectateur se voit lui-même ramené à se poser des questions fondamentales sur ses buts, sur le temps, ou sur son rapport au cinéma. La vie est comme un film, et le cinéma est comme la vie. La poursuite d’un idéal, d’une vision, de nos rêves.


Parler de Millennium Actress n’est bien que peu de choses, tant le film a à offrir et doit être vu pour comprendre tout ce qu’il explore. C’est un film d’une densité folle. L’histoire du cinéma japonais, notre rapport au cinéma, un mélange entre fiction et réalité, passé et présent, l’amour, la quête de quelque chose… Satoshi Kon donne ici vie à un récit bouleversant et au montage impressionnant.

JKDZ29
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le 30 mai 2019

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