Assez surpris par ce petit film qui semble avoir souffert de trop de hype avant sa sortie, et qui, en dépit de gros problèmes dans certains choix de mise en scène, offre une variation intéressante sur le thème du "monstre" ou de la "possession".
En effet "The babadook" propose une vison surréelle de la crise psychologique que traverse une femme (et son enfant) suite à la mort accidentelle de son mari. Plus que de monstres, il s'agit ici de souffrance intime, de deuil et de la difficulté à, littéralement, tourner la page ("Babadook" est en effet anagramme de " a bad book ")...
Ce film semble prendre plaisir à nous diriger vers de fausses pistes dès les premières minutes. On nous présente très vite le monstre de l'affiche et de la bande annonce, un être noir et violent, vivant dans l'ombre juste hors de notre champ de vision. Personnification impressionnante du "monstre sous le lit", Babadook persécute le petit Samuel (Noah Wiseman, excellente tête à claques), qui, en conséquence semble décidé à persécuter sa mère par ses caprices dangereux . Le début du film oscille ainsi entre les apparitions anxiogènes du babadook (très anxiogène, grâce à une photographie et un son étonnants) et l'effondrement de la maman (Essie Davis, très bien dans un rôle exacerbé) sous le poids des difficultés. Le monstre nous effraie, le gamin nous agace... Et puis l'histoire, un peu trop classique, évolue de manière surprenante . Spoilers ahead...
Le film, qui restait anecdotique, choisit soudain une orientation bien plus intéressante lorsque le mari absent devient central à l'histoire, et que la mère prend enfin le virage psychotique qui révèle le vrai problème: un deuil qui ne s'est pas fait, qui s'est gangrené, et qui s'est en quelque sorte matérialisé dans le babadook. L’enfant redevient enfant , tandis que la mère devient le vrai danger du film. Il n'échappera à personne que le livre dont elle est victime (et qui se recolle "tout seul") est bien évidemment celui qu'elle a écrit elle-même compulsivement (avant de bosser dans une maison de retraite, elle était... écrivain de de livre d'enfants).
Le monstre qu'elle combat est le deuil de son mari, tandis que son ennemi devient l'enfant qui est né ce jour là et qu'elle blâme inconsciemment. Son insomnie est sa psychose... L'"exorcisme" devient alors une catharsis et ces vers de terre offerts au babadook sont en fin de compte le premier pas de l'acceptation de son statut de cadavre et sa route symbolique vers la guérison... (A la question "le babadook existe-t-il?",on peut répondre non sans hésitation...)
On regrettera que le virage donné par Jennifer Kent à son oeuvre, qui lui donne toute sa valeur, soit malheureusement un peu maladroit. Alors que la psychologie devrait prendre le pas sur l'horreur, certaines scènes en rajoutent sur les effets choquants (voire grotesques) et embrouillent le message, rendant peu lisible le déroulé de la crise. Cela explique peut-être ma déception autour du film. Dommage, car le final est somme toute très satisfaisant, dans cette cohabitation étrange entre horreur et espoir.
Étonnant film, bien servi par de bons acteurs, mettant en scène une frénésie bien filmée, et la preuve une fois de plus que le fantastique est un excellent support pour illustrer nos fêlures intimes... Une réalisatrice que je vais garder sur mon radar, je crois. Recommandé avec prudence, guys et guysettes!