Rarement un cinéaste aura autant secoué la fourmilière de la société néo-libérale que Ken Loach. "Moi, Daniel Blake" est un véritable coup de poing pour ceux qui n'auraient pas encore lever les yeux de leur nombril et qui penseraient que nous vivons dans un monde égalitaire et humain. Daniel Blake, c'est le mec proche de la retraite à qui il arrive un sale coup : une crise cardiaque. Et du coup, sorti de sa bulle, le gars va se rendre compte que le monde dans lequel il vit n'est pas fait pour les marginaux, et les plus démunis et surtout pas pour ceux qui sortent de LA case en bas à droite du formulaire 58 page 32. Ne pouvant plus exercer d'activité professionnelle, Monsieur Blake se retrouve littéralement avalé par une machine aux rouages inhumains face à laquelle il va tenter de se battre. Et le combat est de toute beauté. Enfilant la cape du super-héros de par sa nature profondément empathique et son sens des réalités et du relationnel, Daniel Blake va tenter d'obtenir ce que la société lui doit tout en aidant une jeune maman seule fraîchement sortie d'un foyer. Ensemble, ils vont se faire la figure de proue des laissés-pour-compte, lui le retraité pas assez malade pour qu'on l'aide mais trop pour travailler, et elle, la fille-mère qui a sans doute opté pour de mauvais choix de jeunesse qu'on ne lui pardonnera pas. Avec ce film, Ken Loach semble en avoir assez. Assez de ces gens qui acceptent de n'être qu'une pièce d'une machine implacable et déraisonnable. Assez de cette société qui se numérise pour ne créer qu'un gouffre de plus en plus béant entre les nantis et la masse populaire. On se sent très souvent révolté et de plus en plus indigné au fil des minutes lorsque l'on comprend que l'être humain n'a plus sa place dans un cheminement administratif qui ressemble plus à un chemin de croix qu'à un accès aux droits sociaux. Avec deux acteurs formidables (Dave Johns et Hayley Squires) pour l'aider à mener son combat, Ken Loach réalise un film qui pourrait sonner comme l'aboutissement de toute une carrière, une claque énorme se terminant sur un silence de mort, la gorge nouée et le regard plein de fureur après un épilogue tout simplement bouleversant.