Je vous demande pardon d'avoir décroché cette palme d'or qui aurait dû revenir à un véritable Artiste de l' esbroufe et de la pseudo subtilité niaise.
Je m'excuse en m'aplatissant de vous avoir montré dans toute sa violence la réalité, avec les moyens qui étaient les miens. Oui parfois cela flirtait avec le ridicule ou le dérisoire, mais enfin la vie est-elle toujours si intelligente et dotée de sens?
Je vous pardonne d'être des experts de la misère, de remarquables connaisseurs de la société britannique et du rôle qu 'on fait jouer aujourd’hui aux bureaucraties dans les démocraties occidentales.
Je vous pardonne de trouver la sobriété de mon film excessive, au point de trouver son final putassier. Ceci était mon testament, mon dernier combat, mon adieu aux armes, mais cela bien sûr vous avez la dignité de le respecter. Ou l'indulgence de ne pas trop appuyer là où cela ferait mal.
Avez-vous seulement écouté ce que j'avais à dire ?
Je vous pardonne de ne pas avoir été plein d'empathie pour mon héros Daniel Blake, joué par ce petit chauve dont j'ai oublié le nom, comment s'appelle-t-il déjà? De toute façon ce n'est pas un grand acteur who cares! Mais je n'aurai aucune pitié pour ceux qui me diront la même chose de Katie.
Je vous pardonne de n' avoir pas avoir été ému aux larmes par cette scène dans la banque alimentaire, elle ne valait pas le génie de la mise en scène de X Dolan c'est vrai, ou l'intelligence d'un Bruno Dumont qui lui mérite bien le titre de cinéaste philosophe marxiste ( tendance groucho alors, mais bien foirée).
Moi à côté de ces Géants je ne suis qu'un humble artisan du cinéma, has been ( oui ce film était aussi mon autoportrait en creux, et alors? Vous ne trouvez pas cela assez égotiste? )
Je ne sais enfin si je peux vous pardonner de ne pas avoir eu cette réaction simple de se dire en regardant mon film, putain mais j'ai de la chance quand même de ne pas être du mauvais côté de la barrière; d'avoir une pensée pour ceux là qui ne font pas partie de mon monde...
Ils appartiennent à cette périphérie décrite par le géographe Christophe Guilluy, qui à force d 'être oubliée, en perds parfois les valeurs simples que je prône, la solidarité.
Film "militant" est un gros mot, dont je me contrefous car je vous emmerde.
Je n'entrerai jamais dans la postérité comme un grand Artiste, mais à la fin il me restera toujours ces trois choses; le cinéma, l' humanité, et un truc sans importance qui s'appelle la dignité.