I, Daniel Blake
Il est un moment dans la vie d’un réalisateur qui a atteint l’excellence où l’on n’attend plus qu’il nous surprenne mais bien juste qu’il nous gratifie d’une œuvre majeure de plus.
Et c’est le cas de Ken Loach qui nous offre encor un bijou dont seul lui à le talent de forger.
On pourrait se demander à juste titre ce que ce vieil homme de plus de 80 ans a encore à dire qu’il n’a pas dit, mais malheureusement les injustices sociales et le malheur des petits gens seront, encore pour un temps, certainement une source intarissable.
Et c’est le cas pour I, Daniel Blake qui nous raconte le combat ubuesque de Dan contre le Pôle Emploi Britannique, le Job Center, sa solitude face à cette machine prodigieusement absurde, et qui l’absorbe, le mâche et le décortique dans sa dignité d’homme pour n’en laisser que les os polis de toutes substances.
Cette décente dans l’enfer du chômage Dan le fera en compagnie de Katie mère célibataire de deux enfants, qui elle aussi expérimentera tous les retors de l’absurdité de ce système, et sacrifiera tout ce qu’elle a pour faire vivre au mieux ses enfants.
Loach a cet art de nous montrer le terrible, l’atroce, sans jamais verser dans le voyeurisme, ni le glauque ; il fait rire, sourire, s’indigner ou pleurer les gens du public en leur montrant toujours des personnages digne, humains, gentils, à qui on demande de faire, composer dans un monde déshumanisé où le moindre geste de compassion est réprimandé par une sanction administrative, ou au mieux une incompréhension de la part des employés aliénés.
Il touche même à la fin, la question des limites physiques ou morales qu’une personne est prête à enduré dans notre monde. Ce monde où le travailleur est considéré comme vertueux, mais où le chômeur est alors considéré lui comme un sous homme, puisque inutilisé, improductif, et peu rentable. Dans notre époque et à travers les grands changements politiques en cours dans la France, et ailleurs en Europe et même aux Etats Unis, où tout est inclus dans une économie, où tout à un cout et une valeur marchande, de vaut la dignité, la solidarité, et tout simplement la vie ?
I, Daniel Blake à largement mérité sa palme d’or, non pas pour la reconnaissance que cela a apporté a Ken Loach, à son niveau j’espère bien qu’il n’a plus besoin de cela pour être reconnu dans la profession, mais pour mettre en avant un film puissant, nécessaire, bénéfique, qu’une partie du public ne serait pas allé voir, mais qui grâce à cette palme tant convoitée et vantée dans les revues bien pensantes, sont allés et iront découvrir le quotidien des pauvres, des chômeurs, des rebus de la sociétés, ceux qui sont une charge, qui choisissent et qui crèvent sous leur regard désapprobateurs.
Peut être par ce que je suis également au chômage, ou au mieux travailleuse précaire depuis maintenant 10 ans que je suis sortie du système Universitaire, mais le cas de Dan Blake résonne en moi d’une manière étrange, où presque chaque situation du film me renvoi à une étape de mon passé, de ma situation, ou même de mes complexes sociaux, car oui, je suis encore obligée de me justifier, face à ma famille, sur mon CV, ou même parfois devant mes amis, sur ma situation qui non n’est pas voulue, mais qui ne veux pas dire pour autant que je ne fais rien de la journée.
Le seul problème que je vois au film c’est qu’a plus de 80 ans, Ken Loach a à présent un savoir faire unique, qui risque de se perdre avec sa disparition pour le plus grand malheur du cinéma, et la vrai question aujourd’hui est de savoir qui pourra reprendre le flambeau, et traiter avec ce niveau d’excellence la vie des tout petits, des grouillots comme il dit, si indispensable, si délicat si nécessaire, comme Zola avec son naturalisme, on touche là l’intemporel.
Il Faut aller voir I, Daniel Blake !