Charlize Theron est un laideron. Dit comme ça, on peut être choqué. Un peu comme de comparer Maïté à un top model, Bolino à de la cuisine. Ou Pierluigi Collina à un arbitre de football.
Pourtant, quand on sort de Monster, le constat est implacable. "Quel talent" se sont empressés de remarquer de nombreux critiques. Rares sont ceux à s'être inquiétés du transformisme de l'actrice. Car la jurisprudence cinématographique plaide en sa faveur.
Je me permets pourtant de tirer la sonnette d'alarme. Que Robert De Niro prenne vingt kilos pour jouer un boxeur décadent dans Raging Bull, à grands coups de bières et de plats de pâtes est une réelle performance. Un exploit qui l'a d'ailleurs marqué à vie, distendant sa peau. Un vrai acteur prêt à mourir sur scène.
Aujourd'hui, Hollywood, au lieu de proposer ce genre de fascinants exploits, nous offre des maquillages sans cesse plus réalistes. Danny DeVito ou Jack Nicholson dans la série des Batman étaient à juste raison transformés. Et ce dernier donnait par ses simples mimiques une dimension supplémentaire au maquillage. Nous connaissons maintenant l'effet inverse : l'acteur se cache complètement derrière ses fards, ne cherchant même plus la performance. Après Nicole Kidman dans The Hours (une prothèse nasale, des lentilles marron) ou Maria Cotillon dans La môme, Charlize Theron dépasse l'absurdité même du concept. L'actrice devant nos yeux n'est pas réelle. Elle n'existe pas. Personnage qui n'est pas de synthèse, mais qui est tellement modifié qu'il n'a rien de tangible.
Le visage de l'héroïne de Monster ne saurait proposer la moindre émotion puisque le spectateur n'y voit qu'une performance esthétique – transformer quelqu'un au point de le faire exister autrement que par ses propres traits physiques. Monster a donné naissance à un monstre de Frankenstein, idéal des artistes-créateurs.
Et c'est extrêmement dommage. Non seulement pour les si nombreuses actrices qui ne répondent pas aux canons de beauté actuels et ont tant de mal à travailler. Rien ne prouve qu'il n'aurait pas été possible d'organiser un casting et de découvrir une géniale actrice pour interpréter le rôle principal de Monster. Mais Charlize Theron est également productrice exécutive du film… D'autant plus dommage car Christina Ricci y est comme à son habitude subjuguante de présence et que la réalisatrice se rappelle au bon souvenir du cinéma indépendant des 70's, des Jerry Schatzberg et Sydney Lumet.
Qu'elle ait gagné l'oscar est un affront ultime pour ses adversaires, qui n'avaient elles que leur talent, leurs rires et leurs larmes pour faire croire à l'existence de leurs personnages. L'Academy a choisi de remettre la statuette au premier non acteur de l'histoire. A ce prix, Shrek, Nemo ou le cycliste des Triplettes de Belleville auraient mérité de concourir dans la même catégorie. Charlize Theron aurait alors dû s'incliner devant bien plus crédible qu'elle.