Moon est un film à l'économie de moyen remarquable (dans ce sens où on la remarque) mais à la franchise et témérité sans faille. Avec peu (d'argent, d'effets spéciaux, d'acteurs) Duncan Jones réalise un petit film assez solide, original, malheureusement resté inédit dans nos salles...
Le pari était de propulser Sam Rockwell seul dans l'espace avec pour seul allié un robot (doublé par l'excellent Kevin Spacey, hilarant dans sa voix blasée) et... lui-même.
Autant dire qu'il n'y a vraiment à l'écran que Sam Rockwell qui parvient à tenir son/ses rôle(s) avec aisance.
Mais le film pâtit de ses lacunes rythmiques et scénaristiques et, en moins d'une heure et demie, on ressent pourtant des longueurs. La faute, tout d'abord, à une intrigue minimaliste qui tourne vite en rond. La faute, ensuite, à un traitement fragile du rythme et de la construction des scènes. On ne sait trop où cela va en venir et la fin, ultra précipitée, est expédiée avec violence, et presque humour.
Car l'intrigue a un postulat qui, si l'on a rien su du film avant de le voir (comme c'était mon cas), peut totalement dérouter.
Duncan Jones place ses personnages dans cette situation aussi absurde qu'incroyable ; être face à soi-même, son double, en ressentir la perte progressive d'identité. Or le traitement qu'il fait de ses deux Sam Rockwell est totalement sibyllin et joyeusement barré.
Tout d'abord l'un et l'autre ne semblent pas si surpris que cela par la présence d'un autre eux à leurs côtés. Ensuite les deux se cherchent et se battent, comme si l'autre avait été un intrus sur leur territoire personnel et intime. Enfin ils préfèrent s'allier et s'unir face à une menace qu'ils considèrent comme valant le coup de combattre.
Jamais on ne semble ressentir ni n'évoque le trouble vertigineux que cela doit être de se retrouver face à soi-même et le spectateur n'en est que plus frustré face à ce traitement (on pourrait dire scandaleux mais on préférera dire) osé et courageux. Le metteur en scène et l'acteur semblent s'en amuser, et la seconde moitié du film est bercée dans cette fausse ironie maline qui souligne cette histoire bien ficelée et bien écrite, quoiqu'au début - et à dessein - difficilement compréhensible. Car en effet le réalisateur contourne tous les écueils du genre ; le robot, que, cinéphiles que nous-sommes, nous voyons dés lors comme une menace, un ennemi poli et hypocrite, n'est en fait que le véritable allié du/des héros. De plus le film parvient même à quelques tendances politiques (avec ce final aussi percutant que frustrant) qu'il contrebalance avec des scènes très émouvantes (quelle serait notre réaction si un autre nous avait, de retour chez nous, volé notre vie, retrouvé notre enfant à notre place ?).
Ainsi donc Moon, nous dévoile sa face cachée en se transformant petit à petit en pamphlet politique contre les vies manipulées, et se fait petit film peu modeste pour ce qu'il est mais tout de même sympathique porté par une jolie prestation courageuse d'acteur.

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le 10 avr. 2016

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Charles Dubois

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